Chaque vendredi soir, Robert Dubois emplit sa sacoche d’autant de manuscrits que possible. Puis il met le cap sur la campagne, qu’il déteste, mais qui lui permet de lire et de faire le tri parmi les textes qu’on lui soumet. En effet, Robert Dubois est éditeur, qui plus est de la vieille école. Et voici qu’un vendredi, une stagiaire lui remet une liseuse, dûment chargée de la dose de manuscrits pour un week-end. D’abord sceptique, puis curieux, l’éditeur se laisse séduire par ce nouvel outil. Alors que ses collègues et ses auteurs voient la vie éditoriale en noir, sous-entendant parfois qu’il a fait son temps, Robert Dubois voit désormais son métier, et même sa vie tout entière, d’un œil nouveau. L’heure est aux projets.

Dès les premières pages, ce roman capte l’attention du lecteur. L’irruption de l’outil moderne dans la vie d’un homme pétri de traditions – entre autres gastronomiques – suscite des remous qui ne peuvent manquer d’attiser la curiosité. De découverte (un cheptel de stagiaires en déshérence au sein de la maison d’édition) en déconvenue (le lâche abandon de certains auteurs, par le gain appâtés), l’intrigue rebondit sans cesse. Quoiqu’un peu caricaturaux, les personnages sont attachants. On se laisse gagner par leur enthousiasme et leurs doutes. On réfléchit avec eux au devenir du livre, au difficile métier de l’éditeur, enseveli sous une multitude de manuscrits et soumis à une concurrence échevelée, ainsi qu’à l’acte de lire. Puis, vient le dénouement, abrupt. Tous les fils se dénouent en deux temps trois mouvements, et avant de pouvoir dire « ouf », la dernière page est tournée. Cette fin un peu précipitée est décevante. Elle laisse un goût d’inachevé à la lecture, comme si l’auteur, pressé par un autre projet, avait voulu en finir avec le roman. Malgré cette triste impression finale, La liseuse reste un roman plus que satisfaisant. Le lecteur passe un bon moment en compagnie de Robert Dubois et de ses stagiaires. Pour celui qui n’a pas encore fait l’acquisition d’une liseuse, ce roman peut être l’élément déclencheur, celui qui fait finalement sauter le pas. A moins qu’il ne provoque au contraire une furieuse envie de retour au papier.

 La liseuse, Paul Fournel, 2012.