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Une petite entorse au mois belge, aujourd’hui, pour prendre le temps de faire un billet rapide sur une lecture assez originale. Loin de vouer une passion sans borne à la vodka, c’est davantage l’URSS, ou son héritage, qui m’a conduite vers ce récit.
Journaliste et photographe, habitué des reportages, Nicolas Legendre se lance dans un voyage peu ordinaire : explorer les terres de l’ex-URSS, avec comme fil conducteur la vodka, « un sérum ». Pendant quatre mois, il arpente donc la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Ouzbékistan, le Kirghizstan et, enfin, la Russie. Son objectif est de se faire inviter à lever le coude, de faire évoquer à ses hôtes leur rapport à la boisson, leur vie quotidienne. Quelques rappels historiques, aussi, notamment sur le lien entre politique et vodka.
Le texte, dans un style spontané et enlevé, fait office de récit de voyage et d’analyse sociologique. Les hommes comme les paysages y sont décrits, avec finesse et humour. Les rencontres heureuses, et de moins sympathiques aussi. Quelques beuveries, et des échanges plus profonds. On apprend ainsi que les médecins soviétiques ont proposé comme remède aux liquidateurs de Tchernobyl une consommation régulière de vodka. Le « nectar fédérateur » crée des amitiés d’un soir, vite oubliées dès que les effets de l’alcool se sont estompés, remplacés par des maux de tête carabinés. Il délie les langues, et fait ressurgir les souvenirs de l’époque soviétique, révèle une lecture géopolitique un tantinet différente de celle des Occidentaux. A chaque page, une anecdote, une découverte.
Lecture divertissante et passionnante, ce récit offre une vision très nuancée de territoires méconnus. On en ressort avec des connaissances supplémentaires (l’aversion de Gorbatchev pour la vodka, par exemple) et, surtout, des préjugés en moins. A lire sans modération.
Les routes de la vodka. A la rencontre de l’ex-URSS., Nicolas Legendre, 2019.