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Le salon de mrs pepys

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Le salon de mrs pepys

Archives de Catégorie: Policier et thriller

A la table des enquêteurs chinois

22 dimanche Nov 2020

Posted by mrspepys in Inclassable, Littérature étrangère, Policier et thriller

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à table, Chen Cao, Chine, Di Renjie, Qiu Xiaolong, Thé, Ti Jen-tsié

Paru initialement sur FulguroPop le 16 octobre 2020, dans le cadre de la série d’articles intitulée « A la table des chimères »

« On n’est jamais trop exigeant avec sa nourriture » Confucius

(crédits photographiques : BDfugue, CBS Interactive Inc.)

A l’image de la minutie indispensable à la cérémonie du thé, l’attention que portent les héros chinois de romans policiers à leur nourriture est tout sauf négligeable. Le temps du repas est pour eux celui de la réflexion ou de la discussion, indispensables à la résolution d’une enquête, de la même manière que le temps de la méditation s’accompagne d’une tasse de thé brûlant. C’est plus particulièrement le cas de l’inspecteur Chen Cao qui est – à bien des égards  l’héritier du juge Ti Jen-tsié (ou Di Renjie), sachant que le premier œuvre dans le Shanghai contemporain et le second au VIIe siècle, pour le compte de la dynastie Tang.

La sagesse très relative du thé

(crédit photographique : AFP/Archives)

Quand le plus ancien se fait apporter par ses gens une théière brûlante au terme de ses audiences, le second fait halte en tout lieu de Shanghai à même de servir un thé, maison d’eau chaude (où il est possible de venir avec ses propres feuilles) comme restaurant de quartier, cantine comme bar à la mode. Mais l’inspecteur a des préférences, et se délecte volontiers d’un Puits du Dragon, cueilli dans la région de Hangzhou, alors que le thé du juge demeure générique, sans qu’on sache s’il est vert ou noir. Chen se laisse convertir au café qui conquiert, au gré des romans, le palais des Chinois, d’abord dans d’anonymes Starbucks et, de plus en plus, auprès de petits commerçants tirant parti du moindre mètre carré disponible pour préparer un café filtre de qualité variable. Cela s’explique sans doute par le fait que l’inspecteur ait suivi des études d’anglais, sans compter qu’il est aussi traducteur de romans policiers américains à ses heures perdues.

(crédits photographiques : Pika Graphic, Jean-Claude Trutt)

Il n’est guère de rencontre, de discussion ou d’interrogatoire qui ne se déroule devant une tasse de thé. Celle-ci est omniprésente sur la table du juge Ti, dans son tribunal autant que dans les auberges où il s’installe quand il est amené à voyager, petite phrase anodine en passant dans le récit et détail des illustrations réalisées par Robert Van Gulik, diplomate et sinologue, qui a fait du réel Ti Jen-tsié un personnage de roman. L’inspecteur Chen ne refuse jamais le thé qu’on lui propose, chez un dignitaire du Parti ou chez une vieille femme, témoin sans réelle importance, et il fixe volontiers ses rendez-vous devant un thé brûlant, dans des restaurants ordinaires, où ses interlocuteurs ont souvent leurs habitudes, aussi bien que dans des maisons de thé plus en vogue, comme le Parfum des Tang où les entorses aux traditions déplaisent à son collaborateur Vieux Chasseur, mais où les salons privés permettent de discrètes conversations. Il rencontre ainsi le juge Ti, qui, lui aussi, aime sa tranquillité, pour mieux converser à l’écart des oreilles indiscrètes.

(crédits photographiques : Mrs Pepys, Film Workshop/Huayi Brothers Media/Pixeltree Studio)

Si le thé délie les langues et facilite les confessions, crée une atmosphère de convivialité et apaise les esprits, il est, à plusieurs occasions, l’instrument du crime dans les enquêtes du juge Ti, du moins celles écrites par Robert Van Gulik, notamment la première, Meurtre à Canton, où Ti déjoue une tentative grossière d’assassinat : « Ainsi, c’était bien le thé. Je dois avouer que j’attendais quelque chose de plus original. », mais aussi celles de son successeur, Frédéric Lenormand, en particulier Thé vert et arsenic. Cette intrigue fait écho à la seule véritable occurrence du thé dans les adaptations cinématographiques des enquêtes du juge Ti Jen-tsié, devenu le détective Dee. Le Ti du roman est chargé de superviser la récolte de thé destinée à l’empereur, quand le Dee du film La Légende du Dragon des mers sauve les élites de la cour d’un thé empoisonné par une société secrète. Dans aucune des enquêtes de Chen Cao, en revanche, le thé n’est lié à un meurtre, même si l’art chinois de la litote et la capacité de la langue à rendre poétique le plus trivial parviennent à lier thé et violence. Chine, retiens ton souffle, dont l’intrigue se déroule à la fin des années deux mille dix, souligne que « l’invitation à prendre une tasse de thé était une nouvelle expression pour désigner une pratique courante de la Sécurité intérieure consistant à placer en détention et à interroger des gens en secret. »

L’étrange gastronomie de l’étranger

(crédits photographiques : Pika Graphic, ePagine/Hall du Livre/Points)

Ni le juge Ti ni l’inspecteur Chen ne boudent les plaisirs de la table, même si l’intérêt du premier pour la gastronomie chinoise reste plus modéré. Robert Van Gulik – et, à sa suite, Frédéric Lenormand – comme Qiu Xiaolong (Chinois, mais exilé aux États-Unis depuis la fin des années quatre-vingt) écrivent d’abord pour un public qui n’est pas chinois, et ils choisissent de mettre l’accent sur ce qui peut sembler exotique au lecteur, faisant ainsi son éducation dans un domaine somme toute méconnu. Quand le premier insiste plutôt sur des particularités culturelles, en s’attardant notamment sur le fonctionnement du boulier chinois ou sur les règles de la boxe chinoise, le second a fait des digressions culinaires un trait caractéristique de ses romans. Il reste néanmoins que Les nouvelles enquêtes du juge Ti, écrites par Frédéric Lenormand, font davantage la part belle au bien-manger, allant jusqu’à imaginer une intrigue dans les cuisines de la Cité interdite avec Mort d’un cuisinier chinois. Alors que Chen passe de longs moments à table ou à discuter de la meilleure manière d’accommoder les crabes, Ti utilise la farine de la Cuisine n°4 pour révéler un indice, sur le modèle de la poudre employée pour relever les empreintes. Quand on découvre avec le juge les coulisses des cuisines impériales, avec l’inspecteur, on déguste mille et une spécialités chinoises, bien éloignées de l’idée qu’un Occidental peut se faire de la gastronomie de l’Empire du Milieu. La cuisine est un ressort de l’intrigue pour l’un quand elle est une passion pour l’autre.

(crédits photographiques : Shaftesbury PLC, 123RF Ltd./Verayarochkina)

Dans chacun des onze romans qui racontent ses enquêtes, il n’est pas un chapitre sans que Chen Cao ne mange, dans une gargote de quartier, sous l’auvent d’un vendeur ambulant, à la table de son collègue Yu – dont l’épouse cuisine divinement –, sur un coin de bureau ou dans un restaurant huppé de la capitale. Il picore des zongzi livrés chez lui en étudiant un dossier et se régale de tofu séché et d’« une petite tête de carpe fumée avec une grande bière » en interrogeant un ancien Garde rouge, aussi bien qu’il peut partager de délicieuses brioches emplies de soupe en galante compagnie, ou s’attabler avec un suspect pour un dîner relevé.

(crédits photographiques : Zappet, Quentin Gaudillière)

Il arrive qu’au détour de ces dégustations, le lecteur fasse des découvertes véritablement surprenantes. L’inspecteur Chen s’attable, dans De soie et de sang, devant des plats dits cruels, tandis que le juge Ti se familiarise avec les « plats cultivés » lorsqu’il explore, pour mettre la main sur un empoisonneur, les Huit Grandes Cuisines de Chine, correspondant chacune à une grande région de l’empire. Chen renonce à goûter la cervelle de singe vivant – et demande même que l’animal soit libéré – mais fait servir à un suspect le fiel d’un serpent tout juste assommé et éventré, et partage avec le même homme une soupe de tortue où l’animal est placé vivant dans une eau dont la température augmente progressivement pour qu’« en se débattant, la tortue absorbe l’essence de la soupe, et sa chair, une fois cuite, aura une saveur extraordinaire. » Si Ti n’est confronté, dans sa visite des cuisines impériales, qu’à un spécialiste de la préparation des « animaux répugnants ou nuisibles : scorpions frits, brochettes de mille-pattes, confits d’araignées… », il partage avec Chen l’expérience d’une cuisine médicinale, largement empreinte de spiritualisme. L’inspecteur se voit offrir un séjour de remise en forme dans un hôtel où lui sont servis des mets destinés à rétablir un équilibre entre le yin et le yang, comme le nid d’hirondelle, quand le juge Ti fait arrêter un cuisinier taoïste qui, trouvant les menus impériaux trop fondés sur le yang, décide de les orienter vers le yin, en y ajoutant de subtiles touches de poison.

(crédit photographique : Columbia Pictures Industries Inc./Village Roadshaw Films Global Inc.)

A suivre ces deux enquêteurs chinois, que quatorze siècles séparent, il devient évident que la gastronomie chinoise est bien plus riche qu’elle ne le semble au premier abord à un Occidental, pétri de clichés nourris parfois de gags redondants, comme celui, dans le SOS fantômes de 2016, de la soupe won-ton de Melissa McCarthy, livrée de manière très aléatoire, et ne contenant, avec une constance étonnante, qu’un ravioli solitaire.

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Avenue des géants

06 mercredi Mai 2020

Posted by mrspepys in Littérature contemporaine, Littérature française, Policier et thriller

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aux Etats-Unis, biographie, Famille, serial killer

Son premier meurtre passe inaperçu. On n’a pas idée, aussi, de choisir le jour où le Président Kennedy est assassiné. Pourtant, Al Brenner est un adolescent intelligent : on lui a dit qu’il avait un QI supérieur à celui d’Einstein. Cela ne lui épargne pas un séjour dans un institut psychiatrique, dont il ressort libre, et rapidement blanchi. Il rêve d’avenir, de construire une carrière. Mais c’était sans compter sur un accident de moto, qui le renvoie dans les jupes de sa mère, et à ses activités peu recommandables.

Écrire le récit  à la première personne est un choix surprenant, mais pertinent. Il rend le personnage d’Al Brenner plus touchant, presque sympathique par moment, au point qu’on est parfois à deux doigts de le plaindre. C’est d’autant plus étonnant que l’histoire racontée par Marc Dugain s’inspire très largement de celle d’Edmund Kemper, un véritable tueur en série américain. Le dilemme constant qui déchire le personnage principal, son manque d’empathie souvent, son franc parler, et sa candeur à certaines occasions le rendent humain. Il est impossible d’oublier les crimes commis. Cependant le point de vue proposé au lecteur oblige à éviter de juger, à chercher à comprendre l’impensable.

Un thriller, qui tient ses promesses.

Avenue des géants, Marc Dugain, 2012.

Né d’aucune femme

09 jeudi Mai 2019

Posted by mrspepys in Policier et thriller

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ELLE, Famille, roman noir, souvenirs

Davantage roman noir que policier, Né d’aucune femme se construit autour d’un mystère qui se dévoile progressivement. En guise d’enquêteur, un prêtre qu’une confession a mis dans une confidence à peine écornée par les ans. L’intrigue est construite avec une étonnante subtilité, ne livrant que ce qui est nécessaire au lecteur pour anticiper le dénouement, sans toutefois lui gâcher les dernières pages.

Ce roman atteint un surprenant équilibre, où la galerie de personnages, sombres et secrets, autant que l’atmosphère servent l’histoire. Tout concourt à tenir le lecteur en haleine, lui faire goûter chaque page, chaque instant de la vie de Rose. Et pour faire tenir cette époustouflante construction littéraire, un style d’une grande qualité. Franck Bouysse écrit d’une plume élégante et précise, qui saisit avec brio la délicatesse des sentiments, souligne les fêlures de ceux que la vie a blessés, autant que leur force de caractère. Passant d’un point de vue à l’autre dans le récit, il alterne les styles et les tons, et enrichit ainsi une histoire d’une ampleur époustouflante.

Quelle belle prouesse littéraire dans un genre qui s’y prête habituellement assez peu.

Né d’aucune femme, Franck Bouysse, 2019.

De sang royal

25 jeudi Avr 2019

Posted by mrspepys in Policier et thriller

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Belgique, Bruges, Duvel, Mois belge

Benson im Himmel ! Le mois belge entre dans sa dernière semaine et je n’ai pas encore publié un seul billet ! C’est avec un auteur devenu comme un classique dans ce salon que débutera la parenthèse belge de cette année.

Retour à Bruges, donc, où le commissaire Pieter Van In se fait du mauvais sang. Sa compagne et juge d’instruction, Hannelore, renoue avec un ancien amant. Le (plus tout) jeune galant est par ailleurs le fils d’un notable retrouvé suicidé. Les préoccupations personnelles se télescopent avec les obligations professionnelles. Rien de neuf a priori pour Van In, dont les pratiques peu orthodoxes  finissent toujours par aboutir, quelles qu’en soient les conséquences.

Dans cette aventure du commissaire expert ès Duvel, on paie encore en francs belges et on reçoit des fax. Elle fut en effet publiée au début des années 2000, mais n’a rien perdu de son intérêt. Les pressions politico-affairistes sur les actions de la police et de la justice n’ont pas disparu avec le passage à l’euro ou le développement des nouvelles technologies de communication. Les rancœurs familiales et les errements de l’âme humaine tiennent encore le haut du pavé dans les affaires criminelles.

Le lecteur habitué des romans de Pieter Aspe retrouve avec un plaisir non dissimulé le petit monde truculent qui entoure Van In, ses coups de colère et ses gueules de bois. Comme dans toute série de romans, cette familiarité avec les personnages et les lieux a quelque chose de réconfortant, qui permet d’apprécier davantage la progression de l’enquête. Ce qui retient particulièrement l’attention ici, c’est l’analyse, très critique, d’élites qui se croient autorisées à agir en toute impunité. Sous couvert d’humour, l’auteur dénonce les travers des tenants d’un pouvoir souvent ridicule, alors que les véritables décisionnaires savent se montrer plus mesurés.

Des retrouvailles littéraires et des envies de week-end à Bruges, en somme.

De sang royal, Pieter Aspe, 2000.

Les âmes englouties

24 dimanche Mar 2019

Posted by mrspepys in Policier et thriller

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Arts, ELLE, Famille, Polar nordique, souvenirs

En quittant Göteborg, Nathalie a pour but de poursuivre ses recherches sur les tourbières, auxquelles est dédiée sa thèse. Elle connaît bien la région où elle va s’installer car c’est là qu’ont eu lieu les événements qui, une dizaine d’années plus tôt, ont transformé sa vie. Si elle s’attendait au reflux des souvenirs, elle n’imaginait pas affronter des fantômes autres que ceux de son passé.

C’est indéniable, les romans policiers scandinaves ont un je-ne-sais-quoi très reconnaissable qui leur garantit un succès certain depuis quelques années. Et celui-ci, le premier de l’auteur, n’échappe pas à la règle.

Le lecteur avisé retrouve des ingrédients bien spécifiques au polar venu du Nord, comme la place de la nature et la relation des personnages à leur environnement (en l’occurrence celui des tourbières ici), mais aussi une forme de spleen chez les héros, des drames et des secrets familiaux ou encore un style paisible, qui laisse tranquillement monter le suspens. Susanne Jansson maîtrise à la perfection ces éléments, et elle y ajoute une pincée de fantastique qui pimente le tout.

L’intrigue est finement construite : le lecteur se laisse emporter par une enquête où la police, quoique présente, reste en marge, laissant œuvrer une jeune scientifique et une photographe. Ce faisant, Susanne Jansson s’épargne la banalité d’une investigation purement policière et intègre une approche plus sensible et artistique. Le dénouement est particulièrement bien amené. Même si les habitués de ce genre de littérature auront assez vite quelques indices sur les causes et les auteurs des disparitions, on peut gager que la plupart des lecteurs se laissera surprendre.

Les âmes englouties sont en somme un polar de bonne facture, qui se lit avec aisance et plaisir.

Les âmes englouties, Susanne Jansson, 2014.

Anatomie d’un scandale

06 mercredi Mar 2019

Posted by mrspepys in Policier et thriller

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au tribunal, ELLE, Londres, souvenirs

Il est rare que Kate Woodcroft se laisse impressionner. Elle est une avocate de renom, encline à défendre la veuve et l’orphelin, même quand leur cause semble perdue d’avance. Lorsqu’arrive entre ses mains une affaire de viol mettant en cause un homme politique très en vue – James Whitehouse -, elle n’a aucune hésitation. Nul autre qu’elle ne saurait conduire cette affaire avec plus de conviction.

Bien que l’intrigue soit pure fiction, le roman de Sarah Vaughan a des accents très réalistes. En choisissant comme point central du scandale la question du consentement, l’auteur apporte, à sa manière, une pierre supplémentaire à l’édifice MeToo. De tous les points de vue narratifs proposés, ce sont ceux des personnages féminins qui sont les plus nombreux. On inverse, pour une fois, le rapport de forces, celui qui donne, dans la vie de tous les jours, davantage de poids à la parole des hommes qu’à celle des femmes. Pourtant le dénouement de l’histoire n’est pas particulièrement optimiste, d’autant qu’il est sans doute l’élément le plus vraisemblable du roman.

On pourrait en effet reprocher une accumulation de coïncidences (le scandale tombe un peu aisément entre les mains de l’avocate qui y tient le plus ; le fait que la plupart des protagonistes aient des souvenirs et des expériences en commun est un peu too much) et de rebondissements ou dévoilements (notamment à propos du personnage principal) gentiment grossiers. Un peu plus de subtilité aurait été largement profitable à un roman dont le sujet reste néanmoins pertinent.

D’ailleurs le scandale ne se cantonne pas nécessairement à celui qui est dénoncé dans le procès qui occupe l’essentiel du roman. Le plus scandaleux est sans doute l’impunité dont bénéficient les puissants, à l’université où ils se permettent des comportements de goujats au nom de la tradition, comme en politique. Quels que soient les lois ou les efforts des procureurs comme des journalistes, certains semblent toujours parvenir à passer entre les mailles du filet. C’est dans cette réflexion, noyée dans le récit du travail judiciaire, qui me semble l’aspect le plus incisif, celui qui justifie vraiment la lecture de ce roman judiciaire plutôt bien construit.

Anatomie d’un scandale, Sarah Vaughan, 2018.

Dura Lex

22 samedi Déc 2018

Posted by mrspepys in Policier et thriller

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Découvertes, ELLE, justice

Au début des années 1990, Liam Mulligan entame un peu par hasard une carrière de journaliste d’investigation. Le manque d’effectifs, mais aussi de talent chez le préposé aux faits divers, lui font mener l’enquête sur une série de meurtres, qu’il contribue à résoudre. Quand, près de vingt ans plus tard, il est question de libérer cet assassin, il se remet, un peu à contrecœur, à l’ouvrage.

Une enquête sur un serial killer, menée par un journaliste plutôt qu’un policier, voilà qui ne semble pas, à première vue, sortir des sentiers battus. Pourtant l’auteur réussit à donner à cette histoire – inspirée de faits réels – un tour passionnant en déplaçant le ressort de l’intrigue.

En quelques pages, l’ado criminel est en effet démasqué et mis hors d’état de nuire. Le cœur du roman repose en réalité sur un rebondissement de l’enquête, vingt années plus tard. Il s’agit alors de s’interroger sur le maintien en détention, manifestement illégal, du jeune assassin.

Pour souligner les enjeux moraux, l’auteur propose deux points de vue, incarnés par deux journalistes menant chacun une croisade. Tandis que le jeune loup, aussi naïf qu’il est ambitieux, entend dénoncer les manquements de la justice, le héros, plus expérimenté, cherche le moyen d’éviter que le prédateur qu’il a autrefois contribué à mettre à l’ombre y reste. Les failles du système judiciaire américain et la responsabilité morale des journalistes occupent largement le propos du roman. Dans les deux cas, sont mis en balance la défense de la vérité et la sécurité du grand public : faire appliquer une loi, même imparfaite, et exposer au grand jour une vérité qui dérange doivent-ils l’emporter sur le pragmatisme qui conduit à maintenir enfermé un homme dangereux ? L’intrigue est suffisamment bien construite pour que le lecteur doive attendre les toutes dernières pages pour comprendre comment l’auteur a choisi de sortir du dilemme éthique qui sert de colonne vertébrale au roman.

Dans ce polar intelligemment ficelé, quelques maladresses subsistent, notamment des personnages parfois un peu caricaturaux et des éléments dispensables – le perroquet en particulier, à l’origine d’un faux suspens qui n’apporte rien à l’histoire.

A noter : ce roman est le 3e d’une série dont Liam Mulligan est le héros (Pyromanie, publié en 2011, et Jusqu’à l’os, publié en 2013.

Dura Lex, Bruce DeSilva, 2014 (2018 pour la traduction française).

Rivière tremblante

27 samedi Oct 2018

Posted by mrspepys in Policier et thriller

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Canada, ELLE, en forêt, Famille

Quand j’ai reçu les relectures pour le mois d’octobre, plusieurs camarades blogueuses ont semblé intriguées par ce titre car elles avaient apprécié Bondrée, du même auteur (notamment Sandrion, dont le billet se trouve ici). Je me lançais donc avec optimisme dans ce polar canadien…

Le roman s’ouvre, de manière alléchante, sur le récit de deux disparitions à trente années d’intervalle. Deux points de vue complémentaires, celui de l’enfant qui a perdu son ami et observe le désarroi des adultes face à celui du père à qui on a arraché sa fille : la  situation laisse espérer une enquête croisée, par delà le temps qui passe. Que nenni ! A propos de ces deux événements manifestement fondateurs pour l’intrigue principale, le lecteur ne peut se mettre sous la dent qu’une ébauche d’enquête, menée par des policiers cantonnés aux seconds rôles, et caricaturés. A la place, Andrée A. Michaud développe pendant deux cent cinquante pages les atermoiements des deux personnages centraux, Marnie et Bill. Sans  être inintéressants, ces portraits sont développés à outrance. Le personnage de Bill en particulier vire à la caricature après de nombreuses pages d’apitoiement émaillé de jurons québécois. Difficile de croire aux multiples coïncidences qui les réunissent à Rivière-aux-Trembles et font d’eux les suspects idéaux à l’occasion d’une troisième disparition d’enfant.

            D’aucuns trouveront audacieux de n’entrer dans l’enquête à proprement parler que dans le dernier tiers du roman. D’autres, plus sceptiques, se demanderont pourquoi on essaie de faire passer un roman psychologique, où le chagrin parental est largement mis en scène, pour un polar. En tournant la dernière page, on peut se demander s’il ne manque pas là une partie du roman, qui offrirait un dénouement à la hauteur des questions soulevées.

Rivière tremblante, Andrée A. Michaud, 2017.

Quelques brèves de lecture

15 dimanche Juil 2018

Posted by mrspepys in Littérature étrangère, Littérature contemporaine, Littérature française, Policier et thriller

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Berlin, en bref, Histoire, Paris

Allez ! on ouvre les fenêtres et on époussette un peu. Pendant que la France retient son souffle, rendons à la vie ce salon délaissé pour satisfaire aux exigences de la vraie vie. Le temps et l’envie d’écrire des billets m’ont manqué ces dernières semaines, alors que j’ai continué à (beaucoup) lire. Il y a donc matière à quelques brèves de lecture, des idées pour les vacances peut-être.

Malgré un titre français fort mal choisi, Deux dans Berlin est un roman policier plutôt réussi. Hans-Wilhelm Kalterer est à peine remis d’une blessure par balle quand ses supérieurs lui demandent de renouer avec ses fonctions d’enquêteur pour élucider le meurtre d’un nazi de la première heure. Sous les bombardements des Alliés, dans une ville en ruines où tout manque, même l’espoir, l’ancien de la SS se trouve rapidement sur les traces d’un ancien déporté revanchard. Précision et finesse caractérisent autant la construction de l’intrigue que le contexte historique (les auteurs sont historiens). Dans une atmosphère de fin de règne, les deux personnages principaux ouvrent les yeux sur la mascarade que fut leur vie. Ils ont appréhendé de manière très différente le temps du nazisme, mais en comprennent avec autant de stupéfaction les ressorts. L’histoire racontée à deux voix tient en haleine, et s’achève sur un dénouement bien choisi.

Deux dans Berlin (Wer übrig bleibt, hat recht, en vo), R. Birkefeld et G. Hachmeister, 2002.

Conseillé par une amie, Victor Hugo vient de mourir associe aussi récit historique et fiction. Au printemps 1885, une légende vivante s’apprête à rendre son dernier souffle. Du politicien au vendeur de journaux, des admirateurs aux contempteurs, tout Paris a l’esprit tourné vers ce qui s’annonce comme un événement historique. A peine a-t-il succombé que se met en branle l’organisation de ses obsèques, qui aboutit à la première panthéonisation républicaine. Ce récit, particulièrement bien documenté, emporte le lecteur dans une chronique où se croisent collectif et particulier. Le style d’une grande sobriété sert à la fois la solennité de l’événement et la mise en scène du chagrin des proches. Un texte beau et juste.

Victor Hugo vient de mourir, Judith Perrignon, 2015.

 

L’escalier de fer

26 jeudi Avr 2018

Posted by mrspepys in Policier et thriller

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Belgique, Simenon

Un mois belge sans Simenon ne peut être un mois belge, même si, cette année, j’ai osé faire une infidélité à Maigret.

Entre la boutique du rez-de-chaussée et l’appartement du premier étage, un colimaçon de fer facilite le quotidien des époux Lomel. Pourtant, Étienne, contraint régulièrement à rester alité depuis plusieurs mois, voit d’un œil nouveau ce lien entre vie professionnelle et vie personnelle. Il s’inquiète de ce qu’il est devenu coutumier de nommer ses « crises », à savoir des douleurs abdominales aiguës.  Il soupçonne son épouse de chercher à l’empoisonner et, à l’affut, se penche au-dessus de l’escalier de fer pour épier la vie de la boutique. C’est qu’il sait, lui qui a pris la place d’un premier mari décédé au moment opportun, combien Louise est inflexible quand il s’agit de faire aboutir un projet.

Si L’escalier de fer n’est pas à proprement parler un roman policier, l’atmosphère autant que la trame de l’intrigue sont empreintes de ce suspense propre aux enquêtes de Simenon. Le récit est écrit du point de vue d’Étienne, l’époux qu’on cherche à éliminer. Attentif au moindre mot ou geste de son épouse comme de son amie d’enfance, de plus en plus méfiant, il agit en enquêteur, allant jusquà filer Louise. Tout ce travail met le lecteur extrêmement mal à l’aise, car Étienne s’inquiète d’une mort qui n’a pas encore eu lieu, la sienne. Comme souvent chez Simenon, le crime et la noirceur se terrent dans un quotidien d’une banalité apparente. On comprend très progressivement la monstruosité de la situation, à mesure que les gestes de tous les jours se lisent à la lumière du crime qui se profile (ou qui a eu lieu, chez Maigret). Et la chute, pessimiste, achève aussi brutalement qu’intelligemment cette histoire.

Les lecteurs de Simenon trouveront dans ce roman un air de déjà-vu très confortable, et les néophytes une ambiance qu’ils chercheront à retrouver en continuant à découvrir cet auteur.

L’escalier de fer, Georges Simenon, 1953.

En plus du roman, quel plaisir de découvrir la collection « côté belge » de la maison L’âge d’homme ! Le catalogue n’est pas bien long, mais il a le mérite d’exister.

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