A l’heure où Paul Auster publie un nouveau livre (une forme d’autobiographie, intitulée Chronique d’hiver), l’envie m’est venue de mettre enfin le nez dans son dernier roman, qui se morfondait dans ma PAL.
De nombreuses années se sont écoulées depuis la mort de son demi-frère, mais Miles Heller peine encore à porter le fardeau de sa culpabilité. Sept ans plus tôt, il a quitté le domicile familial, abandonné ses études et coupé tous liens avec ses parents. Le seul auquel il donne encore des nouvelles régulières est un camarade de lycée, Bing Nathan. Il lui a ainsi raconté comment il est allé de villes en villes, de petits boulots en travaux d’appoint, et aussi combien il est heureux en Floride, aux côtés de la jeune Pilar qu’il aimerait épouser quand elle en aura l’âge. Une malheureuse histoire de chantage vient cependant bousculer l’univers fragile qu’il s’était construit. Miles est contraint de fuir Miami. Il choisit de s’installer à New York, dans la maison de Sunset Park que son ami squatte avec deux jeunes femmes, Ellen et Alice. Cette décision ramène Miles à son passé, rouvre des plaies qu’il pensait cicatrisées et laisse entrevoir de nouveaux espoirs.
L’intrigue s’articule autour de Miles, de ses souvenirs et de ses choix présents. Pourtant d’autres points de vue viennent s’insérer dans le récit, créant autant de trames secondaires. Le plus souvent, ces voix complémentaires, celles du père et de la mère de Miles, celles de Bing, d’Ellen et d’Alice, enrichissent le propos du roman. On comprend mieux le jeune homme, de même qu’on mesure combien ses décisions altèrent le cours de la vie des autres. Il est toutefois dommage que certains points de vue prennent beaucoup de distance avec l’intrigue principale, donnant au lecteur le sentiment de s’égarer en chemin, presque de perdre du temps. Les interventions d’Ellen sont souvent plus pénibles, trop obsessionnelles. Le personnage le plus intéressant, le plus torturé et les plus touchant, est celui de Morris Heller. Il s’interroge sans cesse, sur le passé (ses relations avec son père, sa mère – dont la mort semble nettement inspirée de celle de l’auteur – son mariage avec la mère de Miles, entre autres), sur son quotidien d’époux comme de patron d’une maison d’éditions, sur ses liens avec les auteurs qu’il publie, sur l’avenir de son couple, de son fils et de son entreprise. Il analyse, cherche à comprendre, observe, compare, regrette et espère. Il est certainement le plus lucide de tous les protagonistes de l’histoire, celui qui se méfie d’un trop grand optimisme, qui s’attend à chaque instant voir surgir les ennuis. Miles ressemble beaucoup à son père, la maturité en moins. Chez Alice, ce sont les passages sur le cinéma qui restent en mémoire. Et puis, il y a New York, un personnage à part entière comme dans beaucoup de romans de Paul Auster. Un New York plus sombre, empreint de nostalgie.
Si j’ai apprécié ce roman, j’ai parfois été un tantinet à la peine avec certains chapitres. Et les multiples références au base-ball, à son histoire en particulier, demeurent obscures pour une novice. Fort heureusement, la langue est belle et efface toutes les réticences.
Sunset Park, Paul Auster, 2010.
