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Le salon de mrs pepys

~ carnet de lecture

Le salon de mrs pepys

Archives de Tag: Chine

A la table des enquêteurs chinois

22 dimanche Nov 2020

Posted by mrspepys in Inclassable, Littérature étrangère, Policier et thriller

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à table, Chen Cao, Chine, Di Renjie, Qiu Xiaolong, Thé, Ti Jen-tsié

Paru initialement sur FulguroPop le 16 octobre 2020, dans le cadre de la série d’articles intitulée « A la table des chimères »

« On n’est jamais trop exigeant avec sa nourriture » Confucius

(crédits photographiques : BDfugue, CBS Interactive Inc.)

A l’image de la minutie indispensable à la cérémonie du thé, l’attention que portent les héros chinois de romans policiers à leur nourriture est tout sauf négligeable. Le temps du repas est pour eux celui de la réflexion ou de la discussion, indispensables à la résolution d’une enquête, de la même manière que le temps de la méditation s’accompagne d’une tasse de thé brûlant. C’est plus particulièrement le cas de l’inspecteur Chen Cao qui est – à bien des égards  l’héritier du juge Ti Jen-tsié (ou Di Renjie), sachant que le premier œuvre dans le Shanghai contemporain et le second au VIIe siècle, pour le compte de la dynastie Tang.

La sagesse très relative du thé

(crédit photographique : AFP/Archives)

Quand le plus ancien se fait apporter par ses gens une théière brûlante au terme de ses audiences, le second fait halte en tout lieu de Shanghai à même de servir un thé, maison d’eau chaude (où il est possible de venir avec ses propres feuilles) comme restaurant de quartier, cantine comme bar à la mode. Mais l’inspecteur a des préférences, et se délecte volontiers d’un Puits du Dragon, cueilli dans la région de Hangzhou, alors que le thé du juge demeure générique, sans qu’on sache s’il est vert ou noir. Chen se laisse convertir au café qui conquiert, au gré des romans, le palais des Chinois, d’abord dans d’anonymes Starbucks et, de plus en plus, auprès de petits commerçants tirant parti du moindre mètre carré disponible pour préparer un café filtre de qualité variable. Cela s’explique sans doute par le fait que l’inspecteur ait suivi des études d’anglais, sans compter qu’il est aussi traducteur de romans policiers américains à ses heures perdues.

(crédits photographiques : Pika Graphic, Jean-Claude Trutt)

Il n’est guère de rencontre, de discussion ou d’interrogatoire qui ne se déroule devant une tasse de thé. Celle-ci est omniprésente sur la table du juge Ti, dans son tribunal autant que dans les auberges où il s’installe quand il est amené à voyager, petite phrase anodine en passant dans le récit et détail des illustrations réalisées par Robert Van Gulik, diplomate et sinologue, qui a fait du réel Ti Jen-tsié un personnage de roman. L’inspecteur Chen ne refuse jamais le thé qu’on lui propose, chez un dignitaire du Parti ou chez une vieille femme, témoin sans réelle importance, et il fixe volontiers ses rendez-vous devant un thé brûlant, dans des restaurants ordinaires, où ses interlocuteurs ont souvent leurs habitudes, aussi bien que dans des maisons de thé plus en vogue, comme le Parfum des Tang où les entorses aux traditions déplaisent à son collaborateur Vieux Chasseur, mais où les salons privés permettent de discrètes conversations. Il rencontre ainsi le juge Ti, qui, lui aussi, aime sa tranquillité, pour mieux converser à l’écart des oreilles indiscrètes.

(crédits photographiques : Mrs Pepys, Film Workshop/Huayi Brothers Media/Pixeltree Studio)

Si le thé délie les langues et facilite les confessions, crée une atmosphère de convivialité et apaise les esprits, il est, à plusieurs occasions, l’instrument du crime dans les enquêtes du juge Ti, du moins celles écrites par Robert Van Gulik, notamment la première, Meurtre à Canton, où Ti déjoue une tentative grossière d’assassinat : « Ainsi, c’était bien le thé. Je dois avouer que j’attendais quelque chose de plus original. », mais aussi celles de son successeur, Frédéric Lenormand, en particulier Thé vert et arsenic. Cette intrigue fait écho à la seule véritable occurrence du thé dans les adaptations cinématographiques des enquêtes du juge Ti Jen-tsié, devenu le détective Dee. Le Ti du roman est chargé de superviser la récolte de thé destinée à l’empereur, quand le Dee du film La Légende du Dragon des mers sauve les élites de la cour d’un thé empoisonné par une société secrète. Dans aucune des enquêtes de Chen Cao, en revanche, le thé n’est lié à un meurtre, même si l’art chinois de la litote et la capacité de la langue à rendre poétique le plus trivial parviennent à lier thé et violence. Chine, retiens ton souffle, dont l’intrigue se déroule à la fin des années deux mille dix, souligne que « l’invitation à prendre une tasse de thé était une nouvelle expression pour désigner une pratique courante de la Sécurité intérieure consistant à placer en détention et à interroger des gens en secret. »

L’étrange gastronomie de l’étranger

(crédits photographiques : Pika Graphic, ePagine/Hall du Livre/Points)

Ni le juge Ti ni l’inspecteur Chen ne boudent les plaisirs de la table, même si l’intérêt du premier pour la gastronomie chinoise reste plus modéré. Robert Van Gulik – et, à sa suite, Frédéric Lenormand – comme Qiu Xiaolong (Chinois, mais exilé aux États-Unis depuis la fin des années quatre-vingt) écrivent d’abord pour un public qui n’est pas chinois, et ils choisissent de mettre l’accent sur ce qui peut sembler exotique au lecteur, faisant ainsi son éducation dans un domaine somme toute méconnu. Quand le premier insiste plutôt sur des particularités culturelles, en s’attardant notamment sur le fonctionnement du boulier chinois ou sur les règles de la boxe chinoise, le second a fait des digressions culinaires un trait caractéristique de ses romans. Il reste néanmoins que Les nouvelles enquêtes du juge Ti, écrites par Frédéric Lenormand, font davantage la part belle au bien-manger, allant jusqu’à imaginer une intrigue dans les cuisines de la Cité interdite avec Mort d’un cuisinier chinois. Alors que Chen passe de longs moments à table ou à discuter de la meilleure manière d’accommoder les crabes, Ti utilise la farine de la Cuisine n°4 pour révéler un indice, sur le modèle de la poudre employée pour relever les empreintes. Quand on découvre avec le juge les coulisses des cuisines impériales, avec l’inspecteur, on déguste mille et une spécialités chinoises, bien éloignées de l’idée qu’un Occidental peut se faire de la gastronomie de l’Empire du Milieu. La cuisine est un ressort de l’intrigue pour l’un quand elle est une passion pour l’autre.

(crédits photographiques : Shaftesbury PLC, 123RF Ltd./Verayarochkina)

Dans chacun des onze romans qui racontent ses enquêtes, il n’est pas un chapitre sans que Chen Cao ne mange, dans une gargote de quartier, sous l’auvent d’un vendeur ambulant, à la table de son collègue Yu – dont l’épouse cuisine divinement –, sur un coin de bureau ou dans un restaurant huppé de la capitale. Il picore des zongzi livrés chez lui en étudiant un dossier et se régale de tofu séché et d’« une petite tête de carpe fumée avec une grande bière » en interrogeant un ancien Garde rouge, aussi bien qu’il peut partager de délicieuses brioches emplies de soupe en galante compagnie, ou s’attabler avec un suspect pour un dîner relevé.

(crédits photographiques : Zappet, Quentin Gaudillière)

Il arrive qu’au détour de ces dégustations, le lecteur fasse des découvertes véritablement surprenantes. L’inspecteur Chen s’attable, dans De soie et de sang, devant des plats dits cruels, tandis que le juge Ti se familiarise avec les « plats cultivés » lorsqu’il explore, pour mettre la main sur un empoisonneur, les Huit Grandes Cuisines de Chine, correspondant chacune à une grande région de l’empire. Chen renonce à goûter la cervelle de singe vivant – et demande même que l’animal soit libéré – mais fait servir à un suspect le fiel d’un serpent tout juste assommé et éventré, et partage avec le même homme une soupe de tortue où l’animal est placé vivant dans une eau dont la température augmente progressivement pour qu’« en se débattant, la tortue absorbe l’essence de la soupe, et sa chair, une fois cuite, aura une saveur extraordinaire. » Si Ti n’est confronté, dans sa visite des cuisines impériales, qu’à un spécialiste de la préparation des « animaux répugnants ou nuisibles : scorpions frits, brochettes de mille-pattes, confits d’araignées… », il partage avec Chen l’expérience d’une cuisine médicinale, largement empreinte de spiritualisme. L’inspecteur se voit offrir un séjour de remise en forme dans un hôtel où lui sont servis des mets destinés à rétablir un équilibre entre le yin et le yang, comme le nid d’hirondelle, quand le juge Ti fait arrêter un cuisinier taoïste qui, trouvant les menus impériaux trop fondés sur le yang, décide de les orienter vers le yin, en y ajoutant de subtiles touches de poison.

(crédit photographique : Columbia Pictures Industries Inc./Village Roadshaw Films Global Inc.)

A suivre ces deux enquêteurs chinois, que quatorze siècles séparent, il devient évident que la gastronomie chinoise est bien plus riche qu’elle ne le semble au premier abord à un Occidental, pétri de clichés nourris parfois de gags redondants, comme celui, dans le SOS fantômes de 2016, de la soupe won-ton de Melissa McCarthy, livrée de manière très aléatoire, et ne contenant, avec une constance étonnante, qu’un ravioli solitaire.

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Maîtres et esclaves

17 dimanche Mar 2019

Posted by mrspepys in Littérature contemporaine, Littérature française

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à la campagne, Chine, ELLE, Histoire, peinture

Naître dans les prémices d’un régime politique n’est pas nécessairement de bon augure. La destinée de Tian Kewei (né en 1950, dans une province reculée en bordure d’Himalaya) et celle de la toute jeune République populaire de Chine sont intimement liées dans l’intrigue joliment ficelée par Paul Greveillac. Il retrace, dans un style d’une élégance et d’une complexité peu comparables à celles des auteurs à la mode, la vie d’un jeune homme issu d’une famille considérée comme droitière mais gravissant néanmoins les échelons de la société communiste.

Ce personnage principal est pourtant doté d’un caractère si falot et d’une intelligence si limitée qu’on ne peut l’appeler héros. Il semble subir sa vie plus qu’il n’en choisit les étapes, son seul atout étant son intérêt pour le dessin et la peinture. Autour de lui, les personnages secondaires constituent une riche galerie, où hommes et femmes agissent avec plus de courage et de noblesse que le pauvre Kewei – ce qui les conduit inévitablement à une fin dramatique. Le meilleur ami du peintre et son fils sont ainsi sacrifiés aux passions de leur époque.

Ces choix amènent à penser que le héros du roman n’est pas tant Kewei que la Chine communiste, parcourue de soubresauts au rythme des réformes voulues par Mao et ses successeurs. Difficile de se passionner pour un personnage aussi inconsistant, tandis que les différents épisodes de l’histoire chinoise contemporaine offrent mille rebondissements, des drames et des espoirs. Le tableau de la Chine maoïste que peint l’auteur est minutieux et vraisemblable à tous points de vue. Les évolutions politiques et sociales sont rendues avec finesse et permettent au néophyte de se familiariser avec l’histoire de la République populaire. Quant à faire de Kewei un artiste, cela propose une entrée aussi originale que représentative dans les évolutions idéologiques. Jolie mise en abyme que cette double approche via l’art des remous historiques. Et mise en bouche sans doute, avant une exploration de la bibliographie de Paul Greveillac.

Maîtres et esclaves, Paul Greveillac, 2018.

Voyages immobiles de l’été : guide et récits, de Bruxelles à Pékin

12 samedi Août 2017

Posted by mrspepys in Récits de voyages

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Belgique, Chine, Histoire, souvenirs, Voyages

Parmi mes lectures estivales favorites se trouvent les récits de voyage. Faute de partir beaucoup et/ou loin, j’apprécie de (re)découvrir villes et contrées plus ou moins exotiques. Cette année n’a pas fait exception : trois titres ont retenu mon attention.

Le premier de ces ouvrages est un guide Lonely Planet un peu ancien, qui avait déjà attiré mon attention lors de sa sortie. Il rassemble 8 itinéraires dans Bruxelles, où l’accent est mis sur l’histoire des quartiers et des paysages, sur les évolutions urbanistiques, sur ce qu’on peut encore voir et sur ce qui a disparu aussi. La particularité de ce guide est de ne contenir aucune photo : toutes les illustrations sont réalisées par François Schuiten. En noir et blanc comme en couleur, elles sont très réussies et offrent des paysages anciens, actuels ou rêvés de Bruxelles. La ville m’est assez familière, et cette lecture a fait émerger des souvenirs ainsi qu’une liste de visites à réaliser lors d’un prochain séjour.

Une approche vraiment plaisante de Bruxelles.

Bruxelles. Itinéraires., Christine Coste et François Schuiten, 2010.

La deuxième étape de ce voyage de papier m’a conduite à Istanbul, que raconte Sébastien de Courtois. Installé sur les rives du Bosphore pour des raisons professionnelles (il travaille notamment pour France Culture), l’auteur décrit la ville, ses habitants et ses alentours. On parcourt les différents quartiers de la métropole, on s’invite à la table de Stambouliotes comme d’expatriés européens, et, en filigrane, s’esquisse une histoire d’amour. Des références littéraires à foison, des rappels historiques précis sans être trop érudits, de jolies impressions, et point de jugement (même quand il est question de l’occupation de Taksim), le tout écrit avec une élégance qui donne envie de poursuivre la découverte de l’auteur.

Un thé à Istanbul. Récit d’une ville., Sébastien de Courtois, 2014.

Enfin, direction la Chine intérieure, en compagnie de Luc Richard. Pendant plusieurs semaines, ce journaliste vivant à Pékin se laisse entraîner dans un périple dans l’Ouest de la Chine, accompagné d’un camarade français et de deux Chinois. Le long de routes peu engageantes, dans des hôtels et des gargotes pas toujours bien famés, il multiplie les rencontres et les expériences inattendues. Il parcourt ainsi le Sichuan, le Yunnan, le Tibet et le Xinjiang, des territoires peu prisés des touristes occidentaux, voire, dans le cas du Tibet, qui leur sont en partie interdits. Ce tableau d’une Chine mal connue, loin des poncifs habituels, se lit avec plaisir, d’autant qu’il s’agit d’un des premiers textes de Luc Richard, qui ne maîtrise pas encore le chinois, ni ne connaît bien le pays. Son regard n’est pas celui d’un expert, mais fait penser à celui des explorateurs, souvent bien maladroits et facilement impressionnables.

Voyage à travers la Chine interdite, Luc Richard, 2003.

En bref : de retour après une longue pause

31 lundi Juil 2017

Posted by mrspepys in Inclassable

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Belgique, Chine, Découvertes, en bref, Histoire, Isabel Dalhousie, Japon, Lire en anglais, Venise

Les tourbillons de la fin d’année scolaire, entre examens, corrections, résultats et préparation de la rentrée prochaine, puis une immersion progressive dans les vacances, avec un séjour au bord de l’océan, ont nécessité un longue pause sans billet. Pendant ces quelques semaines, j’ai simplement eu envie de lire, sans me soucier de ce qui serait chroniqué ou non, juste pour le plaisir. Des romans, des polars, quelques BD, des essais (surtout des récits de voyage) se sont succédé. Difficile de dire encore si toutes ces lectures trouveront leur place ici. A suivre, au cours des jours et semaines à venir, des billets plus réguliers.

En attendant, ma PAL fond gentiment.

Dictionnaire insolite de la Chine

21 jeudi Juil 2016

Posted by mrspepys in Essais

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éditions Cosmopole, Chine, Voyages

couvdicoinsolitechineC’est une collection que j’apprécie beaucoup, non seulement pour ses jolies couvertures, mais aussi en raison de contenus à la fois vulgarisateurs et précis, construits et humoristiques. Après la Belgique, c’est la Chine que je viens d’explorer.

Ce petit dictionnaire suit une organisation thématique, subdivisée de manière alphabétique. De la vie quotidienne aux coutumes plus ou moins traditionnelles, en passant par le tourisme ou la nourriture, bien des aspects de la Chine sont présentés. On retrouve des passages obligés, comme le canard laqué, la place Tien’anmen, le panda ou le vélo, mais l’auteur propose aussi des entrées plus insolites comme les petits métiers, le sport ou le silence.

Les connaisseurs reconnaîtront leurs expériences de la Chine, et les novices (dont je fais encore partie) apprendront certains détails fort utiles, notamment s’ils préparent un séjour dans l’Empire du Milieu (ce qui me fait de plus en plus rêver). Les articles sont de longueur variée, mais ne dépassent guère une page pour les plus développés. Pour les plus pressés des lecteurs, un abécédaire est présent dans les dernières pages. Et pour les plus curieux, une bibliographie et une filmographie sont aussi proposées.

Voici encore un fort bel exemple de la qualité de cette collection éditée par Cosmopole. Deux autres titres attendent patiemment dans ma PAL. Et je crains qu’il ne faille faire un peu de place sur les rayonnages de la bibliothèque pour ajouter d’autres de ces dictionnaires…

Dictionnaire insolite de la Chine, Nathalie Martin, 2011.

Dragon bleu, tigre blanc

18 dimanche Mai 2014

Posted by mrspepys in Récits de voyages

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auteur chouchou, Chine, Salon du Livre

couvdragonbleutigreblancL’efficacité et le sérieux ne sont pas toujours récompensés comme ils le devraient. L’inspecteur Chen Cao, qui connaît pourtant les limites du système dans lequel il évolue depuis tant d’années, en fait l’expérience. Le voici contraint de quitter la police, et donc  la tête de la brigade des affaires spéciales, pour rejoindre la Commission de réforme juridique de Shanghai. Loin d’être la promotion vantée par ses supérieurs, cette éviction cache mal une intervention en haut lieu pour éloigner Chen d’une affaire sensible. L’ex-inspecteur ne sait pas encore quel dossier lui vaut non seulement une mise au placard, mais menace par ailleurs sa vie et celle de ses proches. Plus isolé que jamais, il entend bien sauver sa tête et identifier l’ennemi à qui il doit ces charmantes attentions. Très vite, ses soupçons le portent à s’intéresser de plus près à un couple très en vue, ainsi qu’à la mort d’un ressortissant américain dans un hôtel shanghaien.

Cette nouvelle enquête du Chen Cao est une des plus noires de la série. Tout le poids de la corruption et tous les faux-semblants de la politique chinoise sont plus visibles que d’ordinaire. L’intrigue s’inspire du scandale Bo Xilai, ce qui accroît encore le malaise du lecteur. L’isolement de Chen, réduit à utiliser des ruses de voyou pour faire aboutir son enquête, permet de rompre avec le canevas des enquêtes précédentes. Les personnages secondaires sont présents, mais ils interviennent différemment. Les ajustements liés à la nouvelle position de Chen renouvellent l’intérêt du lecteur connaisseur de la série. Ils créent une tension dramatique supplémentaire en même temps qu’ils étoffent des personnages récurrents comme Nuage blanc ou Peiquin. Les arts, en particulier la poésie et la musique, tiennent la place essentielle qui leur est habituellement réservée, de même que la cuisine. L’association, parfois un peu difficile, des traditions et de la modernité reste un élément central, comme elle semble l’être dans la Chine contemporaine.

Avec Dragon bleu, tigre blanc, Qiu Xiaolong donne un nouvel élan à son personnage ainsi qu’à la série de romans dont il est le héros. Une fois de plus, en achevant cette lecture, on attend une suite, tant pour connaître le devenir du Chen Cao que pour découvrir plus avant la Chine contemporaine. « Aussi efficace que bien des pamphlets », souligne l’éditeur qui cite Le Monde en quatrième de couverture. Et bien mieux écrit (et traduit) que lesdits pamphlets… par un auteur sympathique, rencontré (avec émotion : cela faisait si longtemps que j’en rêvais…) lors du dernier Salon du Livre.

Dragon bleu, tigre blanc, Qiu Xiaolong, 2013.

objectif pal

Visite (expresse) au Salon du Livre

27 jeudi Mar 2014

Posted by mrspepys in Inclassable

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Chine, Salon du Livre

SdL_2014Ce Salon du Livre s’annonçait bien, avec, pour la première fois, un accès presse, et la présence d’un de mes auteurs favoris. Et puis une foule d’obligations diverses et variées (dont certaines peu réjouissantes) me sont tombées dessus, et il a fallu réduire drastiquement le temps de visite à la Porte de Versailles.

Puisqu’il fallait aller à l’essentiel, en trois heures au maximum, l’organisation s’est recentrée sur Qiu Xiaolong. Cet auteur chinois, qui écrit en anglais, fait partie de mes chouchous depuis une dizaine d’années. Impossible donc de manquer sa dédicace du samedi après-midi.

Avant de faire le siège du stand des éditions Liana Levi, quelques autres rencontres étaient prévues :

– Jean-Claude Lalumière était présent sur le stand des éditions le dilettante pour Comme un karatéka belge qui fait du cinéma : l’auteur est fort sympathique, et j’ai pu lui dire tout le bien que ma soeur et moi pensons de l’épisode du pigeon dans Le front russe 

– je craignais d’avoir manqué Jean-Pierre Alaux, mais il se trouvait encore sur le stand 10/18 : une rencontre très sympathique avec un auteur non moins agréable

Au détour d’une allée, j’ai découvert que Qiu Xiaolong était interviewé, avec sa traductrice, sur la place des auteurs. Ce fut un plaisir de l’entendre s’exprimer sur ses romans, ainsi que sur l’importance de la poésie dans ses écrits et sur son choix de l’écriture en langue anglaise.

SdL_2014_2Comme mes consoeurs blogueuses, je fus faible et cédai à quelques tentations. Trois maisons d’éditions ont retenu mon attention :

– Payot-Rivages, où l’accueil était des plus chaleureux : Les humeurs d’une châtelaine anglaise, par Deborah Devonshire, et La Maison du professeur, par Willa Cather (chaudement recommandé par le monsieur auquel j’ai eu affaire) ont rejoint ma PAL

– une halte au Livre de Poche ensuite, où Quand reviennent les âmes errantes, de François Cheng, de même que Une vie de pintade à Bruxelles, par Elisabeth Clauss (dont j’attendais impatiemment la sortie en poche), sont tombés dans mon escarcelle

– les éditions Liana Levi étaient évidemment le centre de cette visite : en plus de Dragon bleu, tigre blanc, dûment dédicacé par Qiu Xiaolong, j’ai craqué pour De Venise à Venise, par P.M. Pasinetti

Un butin raisonnable, donc, agrémenté d’une petite pochette aux couleurs du Livre de poche, et d’un badge réalisé par le Conseil permanent des Ecrivains.

Et si l’on ajoute à cela une rencontre fortuite avec Stephie, qu’accompagnaient Sophie et Laurie, ces quelques heures volées à un emploi du temps fort chargé se sont transformées en un très agréable moment.

A l’Est des Nuages.

27 vendredi Déc 2013

Posted by mrspepys in Récits de voyages

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Chine, Découvertes, Thé, Voyages

couval'estdesnuagesC’est un rituel immuable : une visite chez G*b**t s’achève sans exception par le rayon des récits de voyage. Tête collée à l’épaule pour déchiffrer les titres, l’oeil plus particulièrement aux aguets pour repérer les ouvrages de la Petite Bibliothèque Payot ou des éditions arléa, cet arrêt avant les caisses est toujours synonyme d’achat supplémentaire. Lors de mon dernier passage dans l’enfer de la PAL, c’est A l’Est des Nuages. qui s’est imposé, entamé immédiatement dans le train du retour, sans même passer par la pile…

En un peu moins de deux cents pages, Vincent Hein livre ses impressions sur la vie en Chine. Il débute ses « carnets de Chine » un an après son installation dans l’Empire du Milieu. Les entrées des carnets sont de longueur variées, abordent aussi bien la vie quotidienne à Pékin que le contexte politique chinois, mêlent descriptions de paysages comme de situations peu ordinaires, citations d’auteurs européens et asiatiques autant que de dépêches de l’Agence « Chine nouvelle », pensées personnelles (à propos de sa relation avec celle qui devient son épouse, Ma Xiaomeng) et même courts poèmes. Au fil de ces textes, le lecteur européen découvre une Chine loin de celle présentée dans les guides touristiques ou les reportages télévisés. Avec l’auteur, on sourit de certaines situations cocasses (un chauffeur de taxi demandant au client de prendre le volant au coeur d’un embouteillage, par exemple) et on s’inquiète de décisions du gouvernement (suspension de l’accès à certains sites Internet ou interdiction faite aux avocats de Hu Jia de rencontrer leur client avant son procès).

A l’Est des Nuages. est de ces ouvrages qui titillent la curiosité du lecteur autant qu’ils lui apprennent. On en ressort ravi d’avoir découvert des détails, des anecdotes à même de rendre plus compréhensible un mode de vie si éloigné. Et on espère croiser, au détour de la prochaine exploration du rayon « récits de voyage », un livre d’aussi bonne facture.

A l’Est des Nuages., Vincent Hein, 2009.

Monsieur Loo

26 lundi Août 2013

Posted by mrspepys in Essais

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Arts, biographie, Chine, Musée

couvmonsieurlooLe sous-titre de cet ouvrage (« Le roman d’un marchand d’art asiatique ») a vraisemblablement trompé les libraires ! C’est en effet au beau milieu des romans que j’ai déniché cette biographie.

Ching Tsai Loo (C.T. Loo) est né à la fin du XIXe siècle. Il arrive dans les bagages de son patron, affilié à l’ambassade de Chine à Paris. Pour couvrir des dépenses destinées à aider les étudiants chinois en France et ses activités politiques, le patron de C.T. Loo développe un commerce d’objets chinois. Son employé, qui s’accoutume vite à la vie parisienne, s’intéresse tout particulièrement aux Antiquités. Et c’est cette activité qu’il choisit lorsqu’il se risque à voler de ses propres ailes. A la galerie qu’il ouvre à Paris en 1908 s’ajoutent rapidement celle de Londres, puis celle de New York.

Très accommodant avec ses clients potentiels, fort d’un important réseau de rabatteurs en Chine, C.T. Loo devient une des principales figures de l’art asiatique pendant l’entre-deux-guerres. Il n’hésite pas à prendre quelques risques pour faire sortir de son pays natal des trésors (des stèles du mausolée de Taizong, qui continuent de faire couler de l’encre en Chine, notamment).

L’avènement du communisme sonne le glas de la brillante carrière de C.T. Loo, qui laisse derrière lui de fort belles donations à des musées réputés, en particulier au Musée Guimet. A Paris demeure aussi la pagode qu’il a fait construire pour servir de lieu d’exposition comme de domicile (elle a connu une restauration et est de nouveau ouverte au public, pour des expositions temporaires, depuis l’automne 2012 ; un article de blog consacré à la pagode ici).

La vie de C.T. Loo peut effectivement s’apparenter à un roman, avec des rebondissements nombreux, des personnages passionnés et passionnants (l’épouse de Chiang Kai-shek, par exemple). Toutefois, il est manifeste que Géraldine Lenain s’est donné pour objectif principal de faire connaître un homme aujourd’hui méconnu, à la fois en raison de l’oubli lié aux années qui passent et de ses efforts pour brouiller les pistes quant à ses origines. Elle s’efforce de présenter autant l’homme d’affaires que le mari et le père de famille : sphères privées et professionnelles s’entremêlent au fil de la biographie. Le travail est très documenté, et les citations de documents privés ou de journaux sont nombreuses. L’ouvrage, agrémenté de photographies, se lit agréablement. Il est néanmoins dommage que des répétions apparaissent (parfois un ou des paragraphes entiers, qui laissent penser que la relecture n’a peut-être pas été très précise).

Un ouvrage qui saura séduire les amateurs d’arts asiatiques, mais qui pourrait décevoir les lecteurs pensant se plonger dans un roman.

Monsieur Loo, Le roman d’un marchand d’art asiatique, Géraldine Lenain, 2013.

Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus

02 jeudi Mai 2013

Posted by mrspepys in Littérature contemporaine, Littérature française

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Chine, Livres numériques

couvmadamemingLa médiathèque que je fréquente très régulièrement met, depuis quelques mois, des liseuses Kobo à disposition de ses lecteurs. La semaine passée, ce fut mon tour de recevoir le précieux appareil, lesté d’une demi douzaine de romans. Pour me familiariser avec la bête, j’ai commencé par un texte court, contrairement à son titre à rallonge.

Séjournant pour affaires à Yunhai, dans la très industrielle province du Guangdong, le narrateur a pris pour habitude de s’absenter fréquemment de la table des négociations pour user les nerfs de ses fournisseurs. Cette tactique le contraint à fréquenter assidûment les toilettes de l’hôtel qui accueille ces réunions. Il y croise Madame Ming, une dame pipi peu ordinaire. Lorsqu’elle apprend au narrateur qu’elle a dix enfants, il ne la croit pas vraiment, eu égard à la stricte règle de l’enfant unique. Puis, au fil de ses excursions stratégiques dans les luxueuses latrines, il découvre par les récits de madame Ming le destin de ses dix rejetons, dont un commercial chinois lui a confirmé l’existence. Les jumeaux Kun et Kong sont des acrobates menant une carrière internationale. Li Mei, capable de lire le degré d’honnêteté de ses interlocuteurs, est devenue illustratrice. Da-Xia voue une haine farouche à Mme Mao. Ru et Zhou, aux capacités complémentaires, se relaient à l’école. Et puis il y a Ting Ting, la fille aînée, la préférée de madame Ming, celle qui finit par révéler au narrateur le fin mot de l’histoire.

Lu en un clin d’oeil, ce roman ne peut manquer de faire penser à un conte. Chaque récit de madame Ming donne lieu à une petite morale, souvent inspirée de Confucius. Le narrateur écoute ces histoires, en tire des leçons qu’il met plus ou moins de temps à assimiler. Il apprend aussi à regarder ses interlocuteurs chinois d’un autre oeil, s’interroge sur les conditions de travail des employés chargés de fabriquer les jouets qu’il vient acheter pour les petits Européens. Il mûrit aussi, devient plus humain.

Ce texte sans prétention est plutôt agréable à lire. Quelques lieux communs réussissent à s’y glisser, mais sans altérer le plaisir de la lecture. La morale finale est un peu grossière, mais puisqu’il s’agit d’un conte, on ne s’y arrête guère. Mieux vaut garder à l’esprit, en refermant ce livre, l’immense pouvoir de l’imagination qui permet souvent des miracles et embellit une réalité maussade.

« A la différence des Européens qui conservent des ruines gallo-romaines au coeur de leurs métropoles mais oublient Sénèque, qui visitent les cathédrales en délaissant le christianisme, les Chinois ne logent pas leur culture dans leurs pierres. »

Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, Eric-Emmanuel Schmitt, 2012.

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