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Dee est américaine et étudiante en histoire de l’art. Pour occuper ses vacances, elle folâtre à Paris, en compagnie de Mike, marchand d’art un peu louche sur les bords. Prospectant pour un sujet de thèse potentiel, elle se laisse convaincre de l’existence d’un tableau inconnu de Modigliani et se lance à sa recherche. Dee manque cependant de jugeote, et rapidement l’information arrive aux oreilles de galeristes aux dents longues. Tout ce petit monde intrigue au fin fond de la campagne italienne, tandis qu’à Londres de jeunes artistes mettent au point un vaste projet destiné à démasquer des marchands d’art qui s’enrichissent en se jouant autant des créateurs que des acheteurs. Les deux fils de l’intrigue finissent par se télescoper pour un dénouement en fanfare.

Ce petit roman aux accents faussement policiers est truffé de bonnes idées. Le tableau que dresse Ken Follett des milieux artistiques, et en particulier des marchands d’art, est surprenant : il y dénonce l’immodestie de certains artistes et surtout l’influence souvent néfaste des galeristes. Ces hommes et ces femmes, qui parfois n’ont guère de connaissances valides dans le domaine, sont présentés comme des intermédiaires malhonnêtes, acteurs d’un marché aux règles truquées. Ecrit en 1976, ce texte met en valeur les défauts d’un monde de l’art en cours de constitution, où l’ambition et le profit ne laissent guère de place aux œuvres elles-mêmes. En dévoilant les coulisses, l’auteur rappelle que l’art est avant tout un plaisir des sens, avant d’être une marchandise.

Ces aspects sympathiques du roman ne parviennent toutefois pas à faire oublier ses défauts, à commencer par une intrigue qui part dans tous les sens. La kyrielle de personnages nécessaire au rebondissement du dénouement est longue à introduire, d’autant que beaucoup d’entre eux sont caricaturaux. Le détective privé est aussi agaçant que le jeune homme fauché sur le point d’inaugurer sa galerie. Et que dire de l’actrice soi-disant altruiste, qui se laisse embobiner par un séducteur douteux. Pas un d’entre eux n’est véritablement attachant, pas même la jeune Dee aussi suffisante que candide.

On est loin du chef-d’œuvre, mais il faut concéder qu’on passe un moment pas trop désagréable. Et il est toujours plaisant de voir les prétendus puissants de ce monde se faire botter l’arrière-train par plus malins qu’eux.

 Le Scandale Modigliani, Ken Follett, 1976.