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Pour beaucoup, ce n’est qu’un nom entendu de temps à autre dans les médias, associé à un nombre, prononcé d’un ton funèbre. Davide Enia donne corps à Lampedusa, terre la plus méridionale d’Europe, mais rattachée géologiquement à la plaque africaine.
Loin du pathos habituel quand il est question des migrants tentant la traversée de la Méditerranée, ce texte mêle le récit de ses séjours sur l’île à celui de ses relations avec son père et son oncle vieillissants. Si la mort est présente, l’auteur met davantage l’accent sur les vivants, les habitants de Lampedusa, les volontaires, les marins et plongeurs, mais aussi les rescapés. Les migrations clandestines ne se limitent pas à des chiffres à Lampedusa, même si certains, qui recensent ceux qu’il a été impossible de sauver, ne peuvent s’oublier. C’est le point de vue des insulaires, aidant comme ils le peuvent les naufragés, qui prime. Avec une élégante retenue et beaucoup de délicatesse, Davide Enia imprime dans l’esprit de son lecteur des images autant que des mots, qui rendent hommage au courage des hommes et des femmes qui s’embarquent avec l’espoir d’accoster en Europe autant qu’à ceux et celles qui les accueillent, les réconfortent et parfois les sauvent in extremis d’un destin funeste.
La part plus personnelle de l’ouvrage apparaît en filigrane. Elle est une manière de respiration, où se resserrent des liens familiaux. Un fil commun relie néanmoins ces deux aspects, celui de la fragilité de l’être humain, qu’il soit ballotté au gré de son parcours migratoire ou confronté à la douleur plus intime de la maladie. Sur ce rocher, entre Europe et Afrique, Davide Enia regarde triompher les valeurs humanistes.
La loi de la mer, Davide Enia, 2017.