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Enfant sage et employé modèle, Joseph Kamal n’aurait jamais dû connaître la prison. Mais pour dépanner son frère, il l’assiste pendant un braquage. Qui tourne mal. C’est à la fois le début d’une nouvelle vie pour Jo, et la fin d’une vision du monde. Se plier aux règles du milieu carcéral n’est pas une sinécure, et quand enfin celui qui a hérité du surnom de Bigoût parvient à trouver sa place survient la catastrophe. La pagaille qui succède à une explosion nucléaire permet à Joseph de prendre la tangente. Il fait partie des bienheureux immunisés, qui peuvent continuer à vivre normalement dans la zone contaminée. Et il ne s’en prive pas, s’installant dans une petite ferme où il recueille un mouton et un chat.

Si le passage de Joseph en prison n’occupe qu’un tiers du roman, la violence qui s’en dégage coupe le souffle. Le lecteur n’est guère plus prêt que Jo à affronter ces quelques dizaines de pages. L’installation progressive dans la zone interdite, la découverte de la vie rurale, de ses joies simples et de ses contraintes apparaît alors comme un retour au paradis. L’opposition entre ces deux aspects du roman est si brutale qu’on prend le temps de savourer les aventures du Robinson Crusoé moderne. Il s’est choisi son île et apprend à l’aménager. Le ton et le style changent. Le rythme de lecture aussi. Déboussolé, le lecteur, même s’il n’est qu’en partie séduit par le propos, ne peut qu’admirer le tour de force de faire cohabiter des aspects aussi différents de la vie. Il s’agit peut-être de faire réfléchir à la nature humaine, mauvaise et violente dans les villes qui l’avilissent, et apaisée dans un décor champêtre. Plus qu’à Defoe, c’est finalement à Rousseau que fait songer Trois fois la fin du monde. Avec un dénouement qui vient confirmer le besoin de société de tout être humain.

Trois fois la fin du monde, Sophie Divry, 2018.

Une lecture pour les Matchs de la Rentrée littéraire, organisés chaque année par Rakuten. (#MRL18)

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