Simon Leys (qui était encore Pierre Ryckmans) a découvert la Chine à 19 ans, lors d’un voyage où il eut l’occasion de s’entretenir brièvement avec Zhou Enlai. Son nom revient sans cesse quand on s’intéresse à la Chine, notamment en préparant des cours sur la République populaire. Difficile donc de ne pas céder à la curiosité, d’autant que le mois belge est un excellent prétexte pour remuer ciel et terre, et mettre enfin la main sur Les habits neufs du président Mao.
Le titre est clair : l’ouvrage a pour but de remettre en cause la maolâtrie à laquelle a succombé une partie des intellectuels occidentaux à la fin des années 1960. Comme dans le conte pour enfants, il s’agit de dénoncer une illusion. Mao Zedong n’est pas le dirigeant visionnaire que beaucoup voient alors en lui.
L’ouvrage s’ouvre sur une mise en perspective de la Révolution culturelle. Cette première partie présente Mao, ses qualités et ses défauts (sa foi en la volonté comme outil suffisant à faire avancer le monde, par exemple, qui lui fait tourner le dos à la modernité). Elle rappelle comment Mao a été évincé du pouvoir au début des années 1960, en raison de l’échec du Grand Bond en avant. Et la Révolution culturelle est alors présentée comme un moyen pour Mao Zedong de reprendre le contrôle du gouvernement chinois. Vient ensuite une chronique des événements entre 1967 et 1969, fondée sur des textes traduits par Simon Leys lui-même. La liste des sources utilisées est impressionnante. Elle nourrit le propos de l’auteur, qui décrit, dans un style simple et agréable, les outrances du régime maoiste et les aberrations d’une révolution qui n’a de culturelle que le nom.
C’est un texte très dense, où bon nombre des acteurs mentionnés restent inconnus en Occident. A moins d’être intéressé par le sujet, cela peut décourager. Mais pour ceux que l’histoire de la Chine contemporaine passionne, il s’agit d’un ouvrage incontournable. Grâce à sa maîtrise de la langue, mais aussi de la culture chinoise, Simon Leys comprend la tragédie qui se déroule sous ses yeux en Chine populaire. Non seulement il la dénonce, mais il est capable d’anticiper les difficultés auxquelles le pays sera ensuite confronté. Les habits neufs du président Mao est passé assez inaperçu au moment de sa publication, en 1971, car son propos allait à l’encontre des idées dominantes. Aujourd’hui, ce livre reste pertinent pour comprendre ce que fut réellement la Révolution culturelle, mais encore pour étudier comment elle fut perçue en Occident.
Les habits neufs du président Mao, Simon Leys, 1971.
Chez Lili aussi Simon Leys est à l’honneur aujourd’hui.
Une lecture qui doit être assez ardue non ? J’aimerais bien lire l’auteur, mais peut-être avec un autre titre.
C’est vrai que ce n’est pas un ouvrage dans lequel on tombe par hasard. De l’auteur, j’ai aimé Le studio de l’inutilité, plus abordable.
Un essai très historique et politique, du coup, qui ne semble pas manqué d’intérêt mais, comme tu le dis, mieux déjà connaître le sujet !
C’est en effet un texte pointu, mais je savais où je mettais les pieds…
En te lisant, je pense aussi au travail de Svetlana Alexievitch dans « La fin de l’homme rouge ». Une vision sans concession d’un autre système communiste…
C’est ma prochaine lecture sur ce type de sujet, repérée à la médiathèque. 🙂
Je lirai cet auteur (maintenant je sais qu’il est belge!)
Je l’ai découvert en lisant Le studio de l’inutilité, où un des textes est consacré à la belgitude.
Et bien bravo pour t’être coltinée cet essai ! J’avais voulu aborder Leys par ses Essais sur la Chine il y a un bon moment mais j’avais abandonné car, comme tu l’écris, c’est ardu et il faut sérieusement s’accrocher. Depuis j’ai lu plusieurs ouvrages de Leys, plus abordables mais passionnants, lu aussi l’ouvrage-hommage que lui a consacré Pierre Boncenne l’an dernier, Le parapluie de Simon Leys. C’est la première année que je ne le lis pas pour le mois belge.
Tiens, je ne connaissais pas Le parapluie de Simon Leys : il est noté pour une lecture ultérieure.
Et bien moi cela me donne envie…
Bonne lecture !