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couvcequilsnontpaspuAvec Souviens-toi, j’ai découvert la collection Scripto de Gallimard. Ma chère Christine m’a gentiment proposé de poursuivre l’exploration de son catalogue en me prêtant Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre.

En juin 1941, Lina a quinze ans. Elle se passionne pour le dessin, s’agace de voir son pays, la Lituanie, se plier à l’autorité de Staline et ne craint pas de donner son avis. Sa vie bascule lorsque le NKVD vient arrêter sa famille en pleine nuit. Elle est déportée en Sibérie avec sa mère et son frère, tandis que son père est envoyé vers un autre camp du Goulag. Le voyage en train, puis l’apprentissage de la vie en captivité dans un kolkhoze, et enfin la douloureuse expérience d’un transfert vers un camp au-delà du cercle polaire forment les étapes du récit de Lina. Elle décrit les conditions de vie difficiles, inhumaines même à certains moments, et les relations compliquées entre les déportés eux-mêmes comme avec les soldats qui les encadrent.

Le ton, le choix de l’héroïne, le style font de ce roman une oeuvre destinée à la jeunesse. Pourtant un lecteur adulte peut trouver autant d’intérêt que de plaisir à cette lecture. Ruta Sepetys s’est efforcée de documenter avec précision son travail. Fille d’un réfugié lituanien, elle s’est non seulement appuyée sur le témoignage de son père, mais s’est aussi rendue en Lituanie pour recueillir des témoignages. L’histoire de Lina, si elle est le fruit de l’imagination de l’auteur, est nourrie de faits et d’anecdotes réels. La plongée dans l’univers du Goulag est rendue avec beaucoup de vraisemblance. On ne peut s’empêcher de penser à Une journée d’Ivan Denissovitch, sans oublier les travaux menés par des historiens comme Nicolas Werth (L’île aux cannibales, notamment). Au-delà de l’évocation historique, Ruta Sepetys réussit à captiver l’attention de son lecteur en créant une histoire où se mêlent secrets de famille, préoccupations adolescentes et une ébauche d’histoire d’amour. Les personnages secondaires, bien que nombreux, sont caractérisés avec soin. On évite le piège du manichéisme : les méchants ne sont pas si noirs qu’ils peuvent paraître, et les déportés ne sont pas tous gentils. Le dénouement est cependant un peu abrupt, et l’épilogue peut laisser le lecteur sur sa faim.

Une lecture à conseiller aux adolescents, mais aussi aux adultes curieux de comprendre ce que fut le Goulag.

Merci, Christine !

Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, Ruta Sepetys, 2011.

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