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L’Angleterre, la Guerre froide, un peu d’espionnage et un soupçon de littérature : les ingrédients de base du nouveau roman de Ian McEwan ne pouvaient que me mettre l’eau à la bouche. Mélanie, qui me connaît bien, savait ce qu’elle faisait quand elle a proposé de me le prêter…
Elevée « dans l’ombre d’une cathédrale », Serena Frome (prononcer Frume, comme plume) n’a guère d’envies ou de projets pour l’avenir. C’est donc sa mère, épouse dévouée à son évêque de mari, qui décide qu’elle doit s’inscrire en mathématiques à Cambridge. Puis son amant, le professeur Tony Canning, organise son recrutement par l’agence de renseignements britannique, le MI5. Serena est une jeune femme assez banale, sans qualités exceptionnelles, hormis peut-être son besoin compulsif de dévorer tous les romans qui lui tombent sous la main (en particulier ceux qui s’achèvent par une demande en mariage). Et ce petit détail lui vaut d’être choisie pour participer à une opération baptisée « Sweet Tooth ». Au coeur des années 1970, où la Guerre froide est plus que jamais d’actualité, le gouvernement est décidé à subventionner des écrivains susceptibles de défendre sa ligne idéologique. Serena est chargée de recruter Tom Haley. Si elle parvient à lui faire accepter de se consacrer uniquement à l’écriture, elle entame aussi une relation amoureuse avec lui. La situation est difficilement tenable pour la jeune femme, d’autant plus que les écrits de Tom semblent s’éloigner peu à peu des attentes du MI5.
Narratrice et personnage central de cette intrigue, Serena n’a pourtant rien d’une héroïne. Sa candeur, son manque d’ambition comme d’intérêt pour le monde qui l’entoure, son discernement déficient ne peuvent qu’étonner le lecteur. Autour d’elle gravitent des personnages secondaires manifestement dotés de plus grandes qualités. Et, à mesure que le récit avance, on se doute que l’auteur réserve un dénouement surprenant. On s’interroge sur le peu de résultats obtenus par le service de renseignement où sévit Serena. Alors on savoure chaque page, en attendant que frappe la foudre. Le tableau d’un Londres (et, au-delà, du Royaume-Uni) plongé dans la tourmente d’une crise engendrée par le premier choc pétrolier, où les moeurs s’infléchissent peu à peu malgré la résistance de traditions séculaires, est parfaitement lisible en arrière-plan. Les troubles en Ulster comme les grèves de mineurs ponctuent le récit, et lui donnent une profondeur historique. Les écrits de Tom Haley, que le lecteur découvre en même temps que Serena, font contrepoint, dénonçant les travers d’une époque autant que de l’idéologie dominante. La fiction se nourrit des faits réels et n’en est que plus vraisemblable, comme souvent chez Ian McEwan. Et quand vient la chute, aux anges, on en redemande.
Opération Sweet Tooth, Ian McEwan, 2012.
Merci, Mélanie !
Ce roman est dans ma PAL. A la lecture de ton avis je me dois de vite l’en sortir! 😉
Oh que oui ! sors le vite de ta PAL.
Heureuse que tu aies aimé! Tu comprends mieux maintenant comment la fin a pu effacer tous mes doutes et mon irritation face à ce personnage féminin à la psychologie plus qu’étrange. 😉
Encore merci ! J’ai en effet compris tous tes sous-entendus en lisant le dernier chapitre. 🙂
La fin est parfaite! J’ai dévoré tout le roman, d’ailleurs!
Une autre fin aurait sans doute gâché le roman. Je comprends mieux l’enthousiasme de ton billet. 😉
Je pense qu’il pourrait me plaire aussi !
C’est tout à fait possible ! Un petit cadeau d’anniversaire, peut-être ?
Déjà noté, et je le souligne…
Et en rouge, si tu veux !
C’est noté !!
Oh oui, tu peux !
Rebonsoir, j’ai moi aussi beaucoup apprécié ce roman plaisant et quel talent de la part de l’écrivain de se mettre dans « la peau » d’une jeune fille. Bonne soirée.
C’est un petit tour de force qui fait son effet, même si on s’en doute un peu à mesure qu’avance la lecture.