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couvproustcontrecocteauRepéré en librairie, objet d’hésitations répétées, adoubé par le billet de Keisha, cet ouvrage ne pouvait que finir entre mes mains, et donc à l’honneur dans ce salon. La médiathèque que je fréquente ne le proposait cependant pas. Qu’à cela ne tienne, faisons jouer les prêts entre bibliothèques du département. Un service fort efficace, puisque moins d’une semaine après la demande en ligne, l’objet de ma convoitise était disponible.

Nés à une petite vingtaine d’années d’écart, Marcel Proust et Jean Cocteau se sont non seulement rencontrés, mais se sont côtoyés avec régularité, ont beaucoup correspondu et se sont mutuellement influencés. Loin d’être évidents pour leurs lecteurs, ces faits sont exposés avec beaucoup de clarté par Claude Arnaud qui peut aussi bien nourrir la réflexion des amateurs éclairés qu’il peut instruire le néophyte curieux.

Après deux chapitres relatant l’enfance des deux auteurs, pointant les similitudes comme les différences, on entre véritablement dans le coeur du sujet, à savoir la relation qui unit (parfois péniblement) Proust et Cocteau. Les circonstances de leur rencontre restent floues, même si le rôle joué par leurs proches, qui avaient perçu combien ces deux hommes avaient en commun, fut crucial. Les premières années, Cocteau est celui qu’on admire, le jeune prodige mondain, le caméléon littéraire. Proust l’encourage tout en le jalousant. Puis vient la publication, contre vents et marées, du premier volume de La Recherche. Grâce aux ficelles tirées par Cocteau, quelques papiers flatteurs poussent la critique comme les éditeurs à reconsidérer leur opinion sur l’oeuvre de Proust. Le « petit Marcel » découvre le succès, du fond de la chambre où il vit reclus. C’est en revanche l’heure des doutes pour Cocteau qui se cherche, et qui s’éloigne peu à peu de Proust. Les trajectoires contradictoires de ces deux carrières sont présentées et analysées intelligemment quoique clairement. La lecture du grand oeuvre de Proust par son ami Cocteau est présentée en contrepoint de celles qu’en ont fait les critiques au fil des ans. Elle offre un point de vue décalé, celui d’un homme qui en a connu la genèse aussi bien que les individus qui ont inspiré les personnages. Elle démystifie en quelque sorte ce chef-d’oeuvre aussi adulé que craint. Et, dans le même temps, Claude Arnaud redore le blason d’un Cocteau moins bien connu.

Le « contre » du titre renvoie à la fois à l’émulation entre les deux auteurs et à leur proximité, à leur attachement respectif. Ecrit dans une langue fort travaillée mais fluide, cet essai enrichit le lecteur tout en l’incitant à aller plus loin, à se forger son opinion en arpentant les oeuvres des deux auteurs.

Proust contre Cocteau, Claude Arnaud, 2013.

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