Profondément marqué par un accident dont il n’est en rien responsable, Matabei Reien quitte sa vie d’artiste à Kobé. Il se réfugie dans une région reculée au Nord de l’île d’Honshu, et prend pension chez dame Hison. Alors que ses économies s’épuisent, elle lui propose de rester à condition de prêter main forte au jardinier, Osaki. Matabei découvre ainsi que le vieil homme est aussi peintre d’éventail. Et quand il meurt, Matabei s’efforce de lui succéder au jardin comme en peinture. Il prend progressivement conscience du lien qui unit ces deux activités, et en partage à son tour les secrets avec le jeune marmiton de la pension, Xu Hi-Han. Mais un matin de mars 2011, le bel équilibre patiemment établi chez dame Hison est brisé.
Ce roman, assez court, est d’une densité et d’une profondeur étonnantes. Il se savoure lentement. Pour prendre toute la mesure de son propos, pour se délecter des descriptions de paysages et apprécier les haïkus, pour apprendre à cerner les personnages, il est nécessaire de prendre son temps. Il faut flâner dans ce roman comme on le fait dans un jardin qu’on découvre pour la première fois. Le style délicat de l’auteur y invite le lecteur. Les couleurs du jardin, le murmure de l’eau et le souffle du vent se matérialisent. On prend aussi le temps de mieux faire connaissance avec les personnages, avec leurs blessures respectives, de la courtisane repentie au couple adultère, en passant par l’adolescent maladroit.
Le coeur de l’intrigue repose sur une double initiation. Maître Osaki apprend à Matabei, puis ce dernier à Hi-Han. Afin de se frotter aux réalités de la vie, la sagesse des plus anciens apparaît indispensable. Elle peut modifier la perception que l’on se fait du monde, des personnes qui nous entourent. Le propos du roman ne se limite cependant pas à cette vision des relations entre générations. Il soulève la question de la concurrence ou de l’incompréhension qui peut s’établir entre jeunes et vieux. L’amour d’une jeune femme ou la question du bien-être sont différemment perçus selon l’âge des protagonistes. L’entêtement du vieux Matabei, qui s’éprend d’Enju, ou celui de la vieille femme refusant de quitter sa maison après le tsunami de mars 2011, demeurent incompris. Pourtant l’un comme l’autre finissent par imposer leur point de vue.
Le plus surprenant est sans doute qu’Hubert Haddad ne s’est jamais rendu au Japon. Il parvient néanmoins à créer une atmosphère proche de celle de romans japonais, pour le plus grand plaisir des lecteurs. Pour les plus séduits d’entre eux, le charme continue d’opérer dans Les haïkus du peintre d’éventail, publiés par le même auteur.
Je n’ai lu aucun de ces deux titres-là, mais en général ce que publient les éditions Zulma est de bonne qualité…
C’est une maison d’édition à laquelle on peut faire confiance pour publier des auteurs de qualité. Je pense d’ailleurs poursuivre ma découverte d’Hubert Haddad.
Affaire à suivre, alors !
Comment ai-je pu passer à côté de ce billet ? J’étais certaine de découvrir de belles pépites en rapport avec le Japon chez toi et je ne me suis pas trompée : ce roman semble parfait pour moi, surtout après ma lecture des « Tendres Plaintes » d’Ogawa. J’en note le titre immédiatement et te remercie au passage.
Je t’en prie. 😉 J’espère que tu passeras un bon moment avec Le Peintre d’éventail.
Je lis ta critique en diagonale puisque je suis en train de le lire ^^ je reviendrai quand je l’aurai terminé ^^
J’espère que ce roman t’enchantera autant que moi ! Je suis curieuse de lire ton billet à ce sujet.