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couvmadamemingLa médiathèque que je fréquente très régulièrement met, depuis quelques mois, des liseuses Kobo à disposition de ses lecteurs. La semaine passée, ce fut mon tour de recevoir le précieux appareil, lesté d’une demi douzaine de romans. Pour me familiariser avec la bête, j’ai commencé par un texte court, contrairement à son titre à rallonge.

Séjournant pour affaires à Yunhai, dans la très industrielle province du Guangdong, le narrateur a pris pour habitude de s’absenter fréquemment de la table des négociations pour user les nerfs de ses fournisseurs. Cette tactique le contraint à fréquenter assidûment les toilettes de l’hôtel qui accueille ces réunions. Il y croise Madame Ming, une dame pipi peu ordinaire. Lorsqu’elle apprend au narrateur qu’elle a dix enfants, il ne la croit pas vraiment, eu égard à la stricte règle de l’enfant unique. Puis, au fil de ses excursions stratégiques dans les luxueuses latrines, il découvre par les récits de madame Ming le destin de ses dix rejetons, dont un commercial chinois lui a confirmé l’existence. Les jumeaux Kun et Kong sont des acrobates menant une carrière internationale. Li Mei, capable de lire le degré d’honnêteté de ses interlocuteurs, est devenue illustratrice. Da-Xia voue une haine farouche à Mme Mao. Ru et Zhou, aux capacités complémentaires, se relaient à l’école. Et puis il y a Ting Ting, la fille aînée, la préférée de madame Ming, celle qui finit par révéler au narrateur le fin mot de l’histoire.

Lu en un clin d’oeil, ce roman ne peut manquer de faire penser à un conte. Chaque récit de madame Ming donne lieu à une petite morale, souvent inspirée de Confucius. Le narrateur écoute ces histoires, en tire des leçons qu’il met plus ou moins de temps à assimiler. Il apprend aussi à regarder ses interlocuteurs chinois d’un autre oeil, s’interroge sur les conditions de travail des employés chargés de fabriquer les jouets qu’il vient acheter pour les petits Européens. Il mûrit aussi, devient plus humain.

Ce texte sans prétention est plutôt agréable à lire. Quelques lieux communs réussissent à s’y glisser, mais sans altérer le plaisir de la lecture. La morale finale est un peu grossière, mais puisqu’il s’agit d’un conte, on ne s’y arrête guère. Mieux vaut garder à l’esprit, en refermant ce livre, l’immense pouvoir de l’imagination qui permet souvent des miracles et embellit une réalité maussade.

« A la différence des Européens qui conservent des ruines gallo-romaines au coeur de leurs métropoles mais oublient Sénèque, qui visitent les cathédrales en délaissant le christianisme, les Chinois ne logent pas leur culture dans leurs pierres. »

Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, Eric-Emmanuel Schmitt, 2012.

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