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couvrenoirLes artistes impressionnistes ont suscité un vif intérêt chez moult historiens et biographes, parfois avec un succès mitigé. Dans le cas de Renoir, son fils, le cinéaste Jean, s’est penché sur cette question biographique à plusieurs moments de sa vie. Ses souvenirs s’ajoutent aux entretiens qu’il a pu avoir avec le vieil homme qu’était Renoir pendant la Grande Guerre, ainsi qu’aux témoignages des proches comme celle qui fut sa nourrice et un modèle du peintre, Gabrielle. Il faut néanmoins attendre le début des années 1960 pour qu’il organise en un texte sans prétention la biographie sobrement intitulée Pierre-Auguste Renoir, mon père.

De la naissance limousine aux derniers instants provençaux, Jean Renoir s’efforce de retracer les grands épisodes de la vie de son père. La chronologie est parfois malmenée, le récit suivant les caprices de la mémoire, associant réflexions et émotions. L’évocation de la vie du peintre se fait de concert avec une peinture du contexte historique, aussi bien politique que social, ou culturel. Renoir est présenté comme un homme ancré dans la réalité, souvent prompt à critiquer des évolutions techniques qu’il juge inutiles voire aberrantes. S’il apprécie les avancées sanitaires dans les immeubles parisiens, il vitupère contre les automobiles bruyantes et odorantes.

De Renoir, son fils retient la simplicité et l’humilité. Capable d’aider sans regarder à la dépense une connaissance dans le besoin, il apprécie les repas sans chichis et les vêtements pratiques plus qu’à la mode. Pour chauffer son atelier, il n’hésite pas à faire brûler des esquisses, des dessins préparatoires. S’il prend plaisir à vendre ses toiles à des amateurs éclairés, il préfère retoucher un faux qu’on lui aura apporté plutôt que de chercher querelle à son propriétaire.

C’est la figure du père aimant, attentif aux besoins de ses enfants, qui ressort encore de ce portrait. Qui mieux que son fils peut raconter comment Renoir brisait les coins des cheminées en marbre, puis les ponçait pour les arrondir, en emménageant dans un nouvel appartement, afin que ses fils ne se blessent pas ?

L’ouvrage fait évidemment la part belle à la présentation de la carrière de Renoir. Ses débuts en tant que peintre sur porcelaine, son choix de la peinture artistique, ses amitiés avec ceux qui se nommaient les Intransigeants avant qu’un critique n’en fasse les Impressionnistes, les difficultés à peintre quand s’installent les rhumatismes, rien n’est oublié pour satisfaire le lecteur curieux. A la marge de la vie de Renoir se profilent les figures d’autres peintres, comme Monet, dont l’assurance est telle qu’elle lui permet d’imposer ses caprices aux horaires de chemin de fer quand il décide de peindre la gare Saint-Lazare.

Ces cinq cents pages sont très denses, très riches et écrites avec élégance. une lecture jubilatoire, que j’hésite à mettre en péril en visionnant le film qui vient d’en être tiré.

Merci, Manue, pour ce prêt !

Pierre-Auguste Renoir, mon père, Jean Renoir, 1962.

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