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Pour les cinquante-six ans d’Eva, sa petite-fille lui a offert un joli carnet décoré de roses. Ces fleurs, Eva en raffole. Elle passe des heures à soigner les nombreuses variétés qui peuplent sa roseraie. Répondant à l’invitation des pages blanches, Eva entame l’écriture d’un journal où se mêlent considérations sur son quotidien dans un village de l’Ouest suédois et souvenirs. D’emblée remontent à la surface les peines de l’enfance, pour beaucoup liées à une mère aussi délurée que peu aimante. Eva se rappelle les moments les plus pénibles de sa jeunesse, ceux qui l’ont forcée à s’endurcir, à se méfier des autres, et à leur faire payer leurs mauvaises actions. Elle décrit aussi ses liens avec sa fille et ses petits-enfants, qu’elle protège de son mieux. Elle s’inquiète de la lente déchéance d’une vieille dame acariâtre dont elle prend soin un peu malgré elle. Elle soutient son amie d’enfance, plongée dans la tourmente conjugale. En près de deux mois d’écriture quotidienne, la vie d’Eva se déroule sous les yeux du lecteur, expliquant certains de ses actes sans vraiment les justifier ou les excuser.
Qui est donc Buster, dans cette histoire, demanderez-vous ? Un chien peu aimable. Point n’est besoin d’en dire davantage.
Le charme de ce roman réside indéniablement dans l’ambivalence de l’héroïne comme de tous les personnages secondaires. Rien n’est noir ou blanc. Personne n’est totalement gentil ou horriblement mauvais. Le ton résigné, et souvent naïf, de la narratrice permet de prendre de la distance face aux événements relatés, aux personnes décrites. Derrière la meilleure des actions se cache parfois une intention peu avouable. Certaines décisions à même de faire basculer une vie sont prises sous le coup d’un mouvement d’humeur, conditionnées par les paroles ou les actes des autres. En entrant dans l’intimité d’Eva, il devient plus difficile de la juger. Le lecteur partage ses émotions, vives la plupart du temps. Il prend conscience que la frontière entre le bonheur et la désillusion est d’une effroyable minceur. On ne peut qu’être touché par ce récit, construit avec intelligence, de manière à ne pas rendre le lecteur prisonnier d’une intrigue. Passé et présent se répondent, s’affrontent parfois. Leur entremêlement fait patienter le lecteur, le contraint à des respirations dans les révélations faites par Eva à son journal. On attend le point d’orgue, annoncé dès la première ligne, mais livré dans le dernier tiers du roman, sans précipitation. Et quand vient le dénouement, on referme le livre dans un mélange de soulagement et de réflexion.
Une belle lecture donc, placée doublement sous le signe du partage. Les oreilles de Buster, offert lors du swap violet par Lucie, fait l’objet d’une lecture commune avec Valérie, Canel, Manu et L’or des chambres.
Les oreilles de Buster, Maria Ernestam, 2006.
keisha a dit:
Hélas je n’ai pas accroché, Eva, en dépit de ses malheurs, m’agaçait.
mrspepys a dit:
On a même l’impression qu’elle continue de t’agacer…
canel8 a dit:
Beaucoup aimé, sauf qqs rebondissements trop spectaculaires, mais la toute fin a finalement effacé ce bémol !
Merci pour cette LC, même si nous n’avons pas eu le temps d’échanger pendant par mail… il faut dire que j’ai lu (non : dévoré !) ce roman in extremis, le terminant hier soir.
mrspepys a dit:
J’ai l’impression que ce livre n’a pas fait l’unanimité dans cette LC. Ravie d’avoir partagé cette lecture avec vous toutes.
Valérie a dit:
Je n’ai pas été touchée par ce roman, ni par Eva d’ailleurs.
mrspepys a dit:
Un rendez-vous manqué. Cela arrive. La prochaine lecture sera sans doute plus agréable.
Chaplum (@chaplum) a dit:
Moi non plus, je n’ai pas été touchée par Eva. Je pense aussi que la méchanceté de sa mère l’a rendue extrêmement sensible, comme avec Buster, qui ne l’a jamais vraiment attaquée. Mais un grand chien peut être vite perçu comme une menace au travers des yeux d’une enfant.
mrspepys a dit:
Peut-être ma crainte personnelle des chiens quand j’étais enfant m’a-t-elle influencée…
Stephie a dit:
Des mois que je dis qu’il faut que je le lise…
mrspepys a dit:
Je serai curieuse de découvrir ton avis : seras-tu de celles qui apprécient ou de celles chez qui Eva fait monter la moutarde au nez ?
L'or des chambres a dit:
Avec un peu de retard j’ai publié mon billet hier, voilà mon lien :
http://lordeschambres.over-blog.com/article-les-oreilles-de-buster-maria-ernestam-112233325.html
J’ai moi aussi beaucoup aimé (c’était une relecture) et même plus : c’est un coup de coeur. J’ai vraiment apprécié le style de l’auteur et Eva est, justement, parce qu’elle n’est pas ni toute blanche ni toute noire, un personnage vraimnet très intéressant. C’est vrai qu’elle est cruelle mais surtout réellement blessée… Une lecture vraiment prenante !! Bonne journée mrspepys (et en passant j’adore ta bannière et la déco de ton blog !!)
mrspepys a dit:
Nous avons finalement été quelques unes à apprécier ce roman, qui est autant capable d’emballer le lecteur que de l’agacer. C’est sans doute lié à l’ambivalence du personnage d’Eva, qui peut toucher par son côté blanc ou insupporter par son côté noir.
Lou a dit:
Je suis en train de découvrir vos billets communs et au final j’ai surtout envie de lire ce roman à mon tour. Il me tentait déjà avant et cela se confirme, malgré la déception de Manu. Merci de partager vos avis avec nous 🙂
mrspepys a dit:
C’est l’intérêt des lectures communes : proposer des avis variés sur un même ouvrage, afin de convaincre – ou de rebuter définitivement – les lecteurs encore hésitants. 🙂