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Deux récits distincts composent ce court livre. Le premier, qui donne son titre au recueil, met en scène Kyôko. Cette jeune femme de trente-six ans a été licenciée « pour convenances personnelles », un doux euphémisme qui cache bien son caractère entier. Elle vit avec sa mère, et se désespère de ne pas trouver de nouvelle activité malgré ses visites à l’agence pour l’emploi. Quand une de ses voisines lui propose un rendez-vous arrangé en vue d’un mariage, elle se laisse convaincre. Sans s’attendre à un miracle, elle n’est pas déçu par la surprise que lui réserve finalement cette journée.

Le second récit – J’attendrai au large – décrit les liens entre deux collègues de travail, qui font ensemble leurs premiers pas dans la vie active, à Fukuoka. Oikawa et Futo n’ont guère d’intérêts communs, mais ils finissent par devenir amis. Futo fait alors une étrange proposition à la jeune fille :  celui qui survivra à l’autre s’engage à détruire le disque dur du premier décédé. En raison de leur jeunesse, cette décision ne semble pas porter à conséquence, pourtant, elle révèle à quel point Futo était important pour Oikawa.

Si ces deux textes semblent fort dissemblables au premier abord, ils ont comme point commun de proposer un regard féminin sur la société japonaise, et en particulier sur le monde du travail. Le poids des traditions demeure, tant dans la cérémonie de rencontre arrangée, qui exprime les attentes à l’endroit d’une future épouse, que dans les regrets formulés devant la dégradation des conditions d’emploi – la disparition de l’emploi à vie, par exemple. Pourtant les deux héroïnes font preuve d’un applomb bouleversant les conventions. Elles traduisent la volonté d’émancipation de certaines jeunes Nippones. Si le propos peut paraître bien sérieux, le ton de ces récits, surtout le premier, est incisif, ironique, et donc drôle. Les personnages masculins sont tournés en dérision : on applaudit des deux mains à la réaction de Kyôko face au jeune cadre bouffi d’orgueil, ou face à son chef libidineux. Futo est lui aussi amusant, mais d’une manière plus tragique, ce qui redore légèrement le blason de la gent masculine.

On passe donc un bon moment avec ce court ouvrage. Merci Matilda !

Le Jour de la Gratitude au Travail, Akiko Itoyama, 2004.